Le journal du médecin

Les antidépresseurs dans le cadre du traitement du syndrome de l’intestin irritable

Dre Pauline Deleuze
© Thierry Strickaert

27 mai 2025 - État des lieux des connaissances et identification des freins et leviers à la prescription en médecine générale.

Les troubles fonctionnels (TF) sont définis comme une symptomatologie physique sans cause organique sous-jacente et qui sont présents durant au moins trois mois. Ceux-ci sont fréquemment rencontrés en médecine générale. On estime que 3 à 10 % des adultes consultant un médecin généraliste régulièrement présentent un TF. Le médecin généraliste a donc une place centrale dans l’identification de ces TF, c’est notamment là que les plaintes relatives au TF sont souvent présentées pour la première fois.

Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est un trouble fonctionnel intestinal fréquemment rencontré en médecine générale. Sa prévalence est de 4,1 % dans le monde entier, mais varie selon les pays et selon les critères diagnostiques utilisés. Il se définit par les critères de Rome IV. En cas d’échec des traitements de première ligne, ou en association avec eux, on recommande notamment les antidépresseurs (AD) en seconde ligne. Les plus étudiés dans cette pathologie sont les tricycliques mais ils ne sont pas fréquemment prescrits dans ce cadre, selon une étude du Lancet publiée en 2023. Le but de ce travail est d’évaluer auprès de médecins généralistes leurs freins et leviers à la prescription d’AD dans le SII.

Matériel et méthode : Il s’agit d’une étude qualitative effectuée sur base d’entretiens semi-dirigés auprès de neuf médecins généralistes titulaires ou en formation en Wallonie. L’analyse des données a été faite selon le mode thématique de contenu.

Résultats

Les médecins interrogés évoquent une prévalence entre 5 % et 20 % dans leur patientèle. Les symptômes fréquemment décrits sont douleurs abdominales, diarrhées, constipation, ballonnement notamment. Certains décrivent également un pyrosis occasionnel, une perte d’appétit et des nausées.

Plus de la moitié des médecins interrogés indiquent qu’il y a des comorbidités associées au SII et notamment psychologiques, avec une composante anxieuse ressortant majoritairement et la notion de stress. Un des médecin précise également une fragilité plus globale au niveau psychique. La majorité des médecins interrogés passent par la réalisation d’une prise de sang et d’une coproculture d’emblée afin d’exclure toute autre pathologie sous-jacente comme une maladie coeliaque ou une MICI, entre autres.

En traitement de première ligne, ils prescrivent notamment des spasmolytiques, des laxatifs, des constipants et des probiotiques. Le régime pauvre en FODMAP (FODMAP : Fermentable Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides, Polyols) est mentionné à plusieurs reprises comme traitement de première ligne chez certains des médecins.

Peu de médecins généralistes prescrivent des antidépresseurs
en deuxième ligne. Et les avis divergent quant à la classe
et à la molécule à proposer.

Peu de médecins généralistes prescrivent les AD en deuxième ligne. Trois des médecins interrogés avouent ne pas avoir de connaissances au sujet de la prescription d’antidépresseurs dans le cadre du SII. Les avis divergent chez les différents médecins interrogés quant à la classe et à la molécule d’AD qu’ils proposeraient dans le cadre du SII.

Les incitants à la prescription sont l’amélioration de la qualité de vie des patients, la rémission prolongée des symptômes et le soulagement de l’anxiété et du stress associés. Les freins décrits sont la crainte de stigmatisation et le ressenti négatif du patient, les effets secondaires et les interactions médicamenteuses, la polymédication, la méconnaissance du sujet, la durée de traitement et la nécessité d’un sevrage à l’arrêt.

Discussion et conclusion

En partant de leurs connaissances globales sur le sujet du SII, sur le diagnostic et la prise en charge, beaucoup des médecins interrogés partaient du principe que le SII était un diagnostic d’exclusion. Ils étaient amenés à réaliser de multiples examens complémentaires et à référer souvent vers les gastro-entérologues pour confirmer ou appuyer leur diagnostic. Dans la littérature, les grandes lignes directrices concernant le SII s’accordent pour dire qu’il est préférable d’opter pour un diagnostic positif (affirmatif d’emblée) plutôt qu’un diagnostic d’exclusion. Cette approche permet d’éviter la réalisation d’examens complémentaires et la prescription de médications superflues, invasives et conséquentes pour la santé publique.

En discutant des AD, une grande partie des médecins interrogés ignorait ce type de traitement, tandis que l’autre partie en avait connaissance mais très peu y avaient recours ou les instauraient. Les freins émis par les MG étaient plus nombreux que les leviers. Les craintes étaient, entre autres, une méconnaissance du sujet, les effets secondaires possibles de ces AD, la polymédication et la réaction des patients.

Pour dissiper ces craintes et obstacles, il pourrait être bénéfique de créer des outils et des guides pratiques à l'intention des médecins généralistes, facilitant ainsi la diffusion d'informations sur la prescription d'antidépresseurs dans le cadre du SII et leur permettant d'approfondir leurs connaissances sur ce sujet. En gagnant en confiance grâce à ces outils, les médecins généralistes pourraient aborder le SII avec plus d'assurance et le considérer davantage comme un diagnostic positif.

Qui êtes-vous, Docteure Pauline Deleuze ?

Dre Pauline Deleuze
© Thierry Strickaert

J’ai choisi la médecine générale car je trouvais que c’était une des spécialités les plus enrichissantes, que ce soit en termes de contacts avec les patients, de diversités des pathologies rencontrées. Les journées ne se ressemblent jamais. J’aime également le fait de pouvoir créer une relation de confiance et longue durée avec les patients. Ce qui me pousse tous les jours à me lever, c’est de me dire que chaque journée sera différente. La pratique n’est en aucun cas monotone, et c’est ce qui me booste le plus. 

Pouvoir compter les uns sur les autres. J’ai effectué les 18 premiers mois de mon assistanat à Ciplet (Braives, province de Liège), dans une pratique avec deux médecins généralistes associés. Je suis ensuite allée me former durant six mois aux urgences du CHC MontLégia à Liège, et j’ai terminé ma dernière année là où je suis actuellement, à Villers-le-Bouillet, au centre Vivasso. C’est une équipe pluridisciplinaire, composée de médecins généralistes, deux spécialistes, des infirmiers, des kinés. Nous travaillons tous à l’acte. Ce type de pratique est pour moi un gros plus pour notre confort de pratique, le fait de pouvoir s’entraider, de compter les uns sur les autres pour des avis (entre médecins, mais également avec l’équipe paramédicale). C’est aussi un gros plus pour les patients : ils savent que la continuité des soins est assurée, et c'est aussi pratique d’avoir des infirmiers et kinés également au même endroit. 

Je ne vois pas ce que je pourrais espérer de plus, j’envisage le futur de manière assez sereine. Mon exercice actuel correspond à ce que j'imaginais en entamant mes études, c’est un peu l’exercice idéal. J’ai une bonne entente avec mes collègues, j’arrive à avoir une bonne qualité de vie à côté de mon travail, et j’arrive à tout concilier. Je suis actuellement en fin de formation pour le certificat de médecine préventive de la petite enfance (ONE). Je trouve les consultations ONE enrichissantes, et je compte bien continuer à en faire toute ma carrière. Parmi les qualités que je trouve les plus précieuses pour un MG, il faut savoir être à l’écoute du patient et empathique, mais également savoir où poser ses limites. Cela fait partie d’un équilibre parfois fragile, mais indispensable, dans un métier proche des patients comme nous l’exerçons. 

Notre journée ne s’arrête pas aux rendez-vous présents dans nos agendas, comme on pourrait le penser. C'est tout le contraire ! J’apprécie moins la charge d’appels téléphoniques pour résultats, conseils, avis divers auprès de spécialistes. Il y a toute une charge téléphonique et administrative à côté du métier. Certains jours, cela peut être pesant. On pourrait essayer d’améliorer la communication avec les autres prestataires de soins, de deuxième et troisième lignes. Une collaboration pour améliorer la prise en charge des patients est pour moi plus que nécessaire. Pour le moment, je m’entraîne pour courir les 20km de Bruxelles. Je joue au tennis depuis ma jeunesse, mais je me suis mise sérieusement à la course à pied depuis un an, c’est un excellent sas de décompression après une journée de travail chargée ! 

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Écrit par Dre Pauline Deleuze (ULiège) Promotrice : Dre Anne-Marie Tuttino
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