UCLouvain
Comment les bébés apprennent-ils à voir après une cécité précoce?
Une étude internationale menée par des neuroscientifiques de l'UCLouvain, publiée dans Nature Communications, révèle que des bébés privés de vision durant leurs premiers mois peuvent malgré tout reconnaître visages, objets et mots presque normalement, après une intervention. Cette découverte redistribue les cartes sur la plasticité du cerveau.
En Belgique, plusieurs dizaines de bébés naissent chaque année avec une cécité précoce due à une cataracte congénitale bilatérale dense, nécessitant une opération chirurgicale pour leur rendre la vue.
Cette période de quelques mois sans vision peut laisser une empreinte durable sur la façon dont le cerveau traite les détails visuels, mais étonnamment peu sur la reconnaissance des visages, des objets ou des mots: c’est la principale découverte d’une étude internationale menée par des neuroscientifiques de l’UCLouvain, en collaboration avec l’Université de Gand, la KU Leuven et l’Université McMaster (Canada), publiée dans la prestigieuse revue Nature Communications.
Distinguer les zones altérées des zones préservées
"À l’aide d’imagerie cérébrale, les chercheurs ont comparé des adultes opérés d’une cataracte congénitale lorsqu’ils étaient bébés à des personnes nées voyantes", explique l'UCLouvain par voie de communiqué.
Les résultats se sont avérés frappants : chez les personnes nées avec une cataracte, la zone du cerveau qui analyse les petits détails visuels (contours, contrastes…) garde une altération durable de cette cécité précoce. En revanche, les régions plus complexes du cerveau visuel, responsables de la reconnaissance des visages, des objets et des mots, fonctionnent presque normalement.
Ces résultats « biologiques » ont été validés par des modèles informatiques impliquant des réseaux de neurones artificiels. Cette distinction entre les zones altérées et les zones préservées du cerveau ouvre la voie à de nouveaux traitements. Les cliniciens pourraient, à l’avenir, proposer des thérapies visuelles mieux adaptées à chaque patient.
"Le cerveau des bébés est bien plus adaptable qu'on ne le pensait", souligne Olivier Collignon, professeur à l'UCLouvain et responsable de l'étude. "Même si la vue manque au tout début de la vie, le cerveau peut s'adapter et apprendre à reconnaître le monde qui l'entoure sur base d'informations dégradées."
Ces résultats bousculent également l’idée d’une seule « période critique » pour le développement visuel. Certaines zones du cerveau sont plus vulnérables à un manque de vision précoce, tandis que d’autres conservent une étonnante capacité de récupération. « Le cerveau est à la fois fragile et résilient », ajoute Olivier Collignon. « Les expériences précoces comptent, mais elles ne décident pas de tout. »
L'université précise que cette étude a été financée par une bourse ERC Starting Grant attribuée à Olivier Collignon, ainsi que par le Fonds Jacques Moulaert.