Lawrence Cuvelier (GBO) : « Il y a une vraie inquiétude chez les généralistes »

Au lendemain de la réunion de hier soir avec le ministre Vandenbroucke, le président du Groupement belge des omnipraticiens (GBO), Lawrence Cuvelier, revient sur les points sensibles abordés.
Il détaille l’état d’esprit des syndicats, les propositions en cours, et les lignes rouges qui émergent dans le débat autour de la réforme du conventionnement et de la pratique médicale.
Le journal du Médecin : Comment s’est déroulée la réunion chez le ministre des Affaires sociales et de la Santé ?
Dr Lawrence Cuvelier : Franchement, la réunion s’est bien passée. Ce qu’on a souligné d’entrée de jeu, c’est qu’il y a une inquiétude réelle chez les médecins généralistes. On le sent, on le perçoit tous les jours dans les appels, les retours de terrain. L’avantage, c’est que les syndicats ont pu mettre ces inquiétudes sur la table. La discussion était ouverte, constructive. On est tombés d’accord sur le fait qu’il fallait avancer avec des propositions concrètes d’ici le 20 juin. Le ministre veut une sortie de crise avant le 21 juillet, avant les congés d’été et surtout avant que ça ne devienne une crise nationale. Il y a donc une certaine urgence, mais aussi une volonté d’écoute.
Quels ont été les points sensibles abordés ?
Il y en a plusieurs. D’abord, la question du conventionnement partiel. Le ministre veut aller vers un système plus homogène, voire supprimer le conventionnement partiel. Pour nous, il faut au minimum maintenir une certaine souplesse. Par exemple, des médecins qui sont conventionnés dans leur institution de travail mais qui ne le sont pas en dehors doivent pouvoir garder cette possibilité. L’enjeu, c’est que les règles soient claires et respectées. Il ne faut pas que ce soit une manière détournée de forcer tout le monde dans le même moule. Ce serait contre-productif.
Un déconventionnement massif vous inquiète ?
Oui, c’est un vrai risque. Aujourd’hui, des médecins, surtout des spécialistes, estiment qu’ils vivent mieux en étant déconventionnés. Si on supprime les marges de manœuvre, on risque une vague de déconventionnements, ce qui irait à l’encontre même des objectifs poursuivis par la réforme. C’est pourquoi, entre syndicats, on est tombés d’accord : si un système de conventionnement partiel subsiste, il faut que ses règles soient strictement encadrées et respectées. On est alignés là-dessus.
Un autre point de tension concerne les primes télématiques qui seraient réservées aux seuls conventionnés. Quelle est votre position ?
C’est très simple. Si on crée de nouvelles primes pour encourager les médecins à se conventionner, pourquoi pas. Mais changer les règles du jeu en cours de route, par exemple en supprimant les primes télématiques aux non-conventionnés, ce n’est pas acceptable. Ce n’est pas juste. Et surtout, ce n’est pas efficace. Tout le monde a intérêt à ce que les outils télématiques soient utilisés largement, que les médecins soient conventionnés ou non. Si l’on veut avancer dans la digitalisation, il ne faut pas dresser des barrières.
Le ministre Vandenbroucke a-t-il précisé sa position sur les fameux numéros Inami suspendus ou retirés ?
Oui, on en a parlé. Ce qu’il a dit, c’est que ces suspensions ou retraits ne visent que les situations graves : des sanctions disciplinaires, des cas où le visa a été retiré, mais où des médecins continuent à exercer en se basant uniquement sur leur numéro Inami. Il ne s’agit pas du tout de cibler ceux qui travaillent beaucoup ou qui facturent trop. L’idée, c’est de bétonner juridiquement des mesures déjà prises, pas d’en inventer de nouvelles. C’est un point important qu’on va intégrer dans nos propositions. Il faut que les sanctions soient limitées aux cas où il y a vraiment un danger pour les patients.
Un autre sujet sensible : le financement des syndicats en fonction du taux de conventionnement. Vous y êtes opposé ?
Évidemment. C’est une ligne rouge pour nous. On ne peut pas être à la fois juge et partie. Si notre financement dépend du nombre de médecins conventionnés, on se retrouverait sous pression pour convaincre nos membres de se conventionner. Or, notre rôle, c’est justement de les représenter librement, sans subir d’influence. On doit rester neutres et indépendants, même si l’État nous verse un financement. C’est une question de principe.
Et que pensez-vous des tarifs indicatifs ?
C’est un sujet plus nuancé. Les suppléments d’honoraires, aujourd’hui, posent problème. Certains abusent, c’est un fait. Donc avoir des repères indicatifs, des balises, pourquoi pas. Mais cela doit être manié avec prudence. Il ne faut pas que cela devienne une manière détournée de fixer des plafonds rigides. Il y a des situations très diverses selon les spécialités, les régions, les contextes d’exercice. Bref, je ne suis ni pour ni contre de manière absolue, mais je pense qu’il faut garder une marge de souplesse.
Un dernier mot sur l’état d’esprit général ?
Je dirais qu’il y a une prise de conscience partagée : il faut avancer, il faut clarifier, il faut réformer. Mais il faut le faire en respectant les spécificités de notre métier. Ce n’est pas en alignant tous les professionnels de santé sur un seul modèle qu’on va résoudre les problèmes d’accessibilité. Ce qu’il faut, c’est du dialogue, de la clarté, et un cadre stable. Et à ce stade, je dirais qu’il y a encore beaucoup de travail.