Le journal du médecin

À mort la médecine libérale : lettre ouverte à l'aube d'une santé étatisée

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© Getty Images

M. le ministre de la Santé,

Mmes et Mrs les fonctionnaires de l’Inami,

Votre victoire mérite mes félicitations. Vous avez inexorablement tué la médecine libérale et lancé votre médecine d’État. Après tant d’années d’avertissements pour interpeler mes confrères et consœurs sur la menace de votre fanatisme, et après un travail de bachelier sur ce très grand problème de société, je regarde, tel Cassandre, mon futur partir en fumée dans la plus totale des impuissances. J’abandonne.

Le destin est bien ironique d’avoir placé aux commandes d’un métier que j’ai choisi par passion quelqu’un qui m’est diamétralement opposé en tout, et qui l’a transformé en horreur à vivre chaque jour. Vous avez vécu au Royaume-Uni, vous avez été séduit par la santé fonctionnaire anglaise. De mes stages de langue à Bournemouth, j’en ai été dégoûté. Pour faire court, vous êtes un socialiste adepte de la captation universelle des cotisations sociales puis de leur redistribution aux prestataires. Je suis un libéral qui n’accepte que le concept d’assurance : marché libre des prestataires et remboursement des patients en fonction des contrats signés avec leur(s) assurance(s), avec une stricte séparation entre le corps médical, les corps d’État et les assurances privées.

La fraternité est le seul lien entre l’égalité et la liberté. Côtés gauche et droite, nous défendons par conséquent tous âprement la Sécurité sociale. À la seule différence que nous n’avons pas le même schéma logique de celle-ci. Votre modèle est socialiste et pyramidal (osé-je dire de Ponzi ?),  où le sommet s’abreuve de la base par captation, et où la redistribution ruisselle ensuite dans un delta de grossistes qui prennent leur part à chaque croisement, si bien que, tout en bas, il n’y a parfois plus d’argent pour les bénéficiaires. N’avez-vous pas peur d’une crise de répartition comme celle qui survient chez nos voisins, obligés de s’endetter du fait d’une hausse de leurs dépenses sociales combinée à une baisse de leurs recettes ? La France risque un soulèvement populaire, bon sang !

Tout le monde sait à quel point le NHS est un échec, du propre aveu des Anglais eux-mêmes. Une organisation ne récompensant pas le travail est vouée à la démotivation, à la démission silencieuse et à la fuite inévitable de cerveaux vers une médecine privée beaucoup plus onéreuse. Après avoir attendu des mois pour traiter une carie dans le NHS, ma dent était si dégradée que le soin du dentiste public a occasionné un abcès, me poussant quand même à aller dans la médecine privée pour le soigner.

Le coup de génie du socialisme belge est d’avoir hameçonnés les médecins libéraux par des primes-subsides d’un devoir exigeant face à un droit initialement inné. Nous autres Ardennais appelons cette arnaque « le cadeau du diable ». Par exemple, depuis dix ans, vous supprimez nos traditionnels dossiers papier et souches ASD qui ne coûtent rien au profit de très dispendieux programmes informatiques à 2.500 euros par an, en échange d’une baisse de ce prix si une vingtaine de critères sont remplis. Si le médecin n’y répond pas de son libre arbitre, il doit tout payer. C’est intelligent en théorie mais dans la psyché humaine, quand le prix à payer dépasse le cadeau empoisonné, ce conflit interne finit toujours par un meurtre, un suicide ou un divorce, jamais par une résilience à l’autorité toxique de l’autre.

« Attendez-vous à une marée géante de plaintes de patients
et de morts dans les années à venir. »

Certes les médecins établis obéiront toujours in fine, car votre piège est trop resserré sur eux. Notamment les vieux syndicats et le vieil Ordre qui ne veulent pas quitter définitivement la convention Médicomut ou à respecter le Serment d’Hippocrate. Par crainte de perdre leur rente Inami et leurs précieux DMG, ils suivront votre folie, mais quelle camelote de système de soins à l’URSS vous aurez : des préretraités crevés, de naïfs étrangers ou de jeunes idéalistes qui finiront très vite en burn out, tant les seuils de renouvellement peineront à être atteints. Attendez-vous à une marée géante de plaintes de patients et de morts dans les années à venir. 26h d’attente et mourir sur un brancard aux urgences comme dans les déserts médicaux de France ou le système public pourri du Royaume-Uni, la Belgique l’a donc voulu en votant Vooruit !

En ce qui me concerne, je remercie le ciel de m’avoir fait naître au cœur de l’empire de Charlemagne, aux pays limitrophes bien plus épanouis dans la perspective libérale. Votre entêtement entraînera tous les Belges vers le fond. Même le Conseil d’État vous a donné raison sur le pire des illogismes : quelqu’un qui n’a pas signé le contrat d’État est désormais obligé de le respecter. Vous devez savoir qu’en médecine de campagne à l’acte pur, je ne gagne que 15 euros brut de l'heure (c’est le salaire d’un ouvrier débutant).

À la lecture de tout ceci, je n’ai que trois conseils : supprimez de votre pyramide votre corps intermédiaire de grossistes inutiles, laissez le choix responsable aux patients d’aller vers des médecins de pratique en secteur uniquement libéral, aux tarifs libres, sans aucun lien avec l’État, et, enfin, respectez-nous. Sinon, the end !

Dr Robin Gueben
Dr Robin Gueben
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Écrit par Dr Robin Gueben, médecin généraliste de campagne
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