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La GPA manque de cadre juridique

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Dans une carte blanche publiée dans Le Vif, le 11 juin passé, la jeunesse libérale dénonçait le vide juridique dans la gestion pour autrui (GPA) et l'inégalité face à l'infertilité. En Belgique, si cette technique est tolérée, elle ne peut pas être commercialisée. Et seuls quelques centres hospitaliers proposent sa prise en charge dont la Clinique de la fertilité du CHU Saint-Pierre à Bruxelles.

"M ême si la GPA ne représente pas énormément de cas, le fait de ne pas avoir de cadre légal est inquiétant et problématique car les patients se retrouvent dans une situation d'insécurité au niveau juridique", confirme le Dr Candice Autin, cheffe de la Clinique de la fertilité à Saint-Pierre et spécialisée dans la GPA.

"Peu de couples en réalité ont recours à la GPA pour avoir un enfant. Les cas les plus fréquents sont lorsque la femme n'a pas d'utérus ou est atteinte d'une maladie qui lui interdit d'avoir une grossesse, ou dans le cas de couples d'hommes. Cette situation ne représente en réalité que 0,5% de notre prise en charge au CHU Saint- Pierre, et donc que quelques cas par an."

En Belgique, cette technique n'a pas de coût dès lors qu'on a une mutuelle belge . "Cela reste au niveau du relationnel", explique la cheffe gynécologue . "Les patients viennent avec une amie très proche ou un membre de leur famille pour pouvoir devenir parent. Il faut évidemment un relationnel très fort car il n'y a pas de cadre juridique et donc au moindre ennui, les parents ne peuvent rien faire. La seule mère reste celle qui accouche."

"Ce sont des prises en charge qui nécessitent une discussion de toutes les particularités au préalable avec les différents intervenants, afin d'être sûr de se trouver dans une situation à plus bas risque possible, autant pour la mère porteuse que pour le couple intentionnel. Mais nous faisons cela depuis plus de 20 ans, et nous avons donc pu prouver qu'il est possible de le faire de manière humaine et respectueuse", insiste le Dr Autin . "Ce sont des aventures exceptionnelles", ajoute-t-elle. Des aventures que l'on peut découvrir dans le documentaire de Cathie Dambel d'ailleurs: " Naître d'une autre", diffusé sur la RTBF et prochainement le 7 juillet sur Arte.

Il faut évidemment un relationnel très fort car il n'y a pas de cadre juridique en Belgique et donc au moindre ennui, les parents ne peuvent rien faire. La seule mère reste celle qui accouche ", Dr Autin.

Cathie Dambel a passé un an dans le centre du service du CHU Saint-Pierre à Bruxelles avec notamment le Dr Autin. Son film décrit tout le processus de la GPA à travers trois histoires suivies par l'équipe médicale ; depuis le questionnement de toute une équipe - gynécologues, psychologues, biologistes et infirmières jusqu'à la rencontre des protagonistes. Mais ce documentaire pose également la question de la place de chaque personne, du statut pour la mère porteuse et du devenir pour l'enfant. Car le flou juridique, explique la jeunesse MR dans la carte blanche, tourne aussi autour des procédures de reconnaissance de l'enfant né par GPA et de la double filiation paternelle.

1. https://www.vie-publique.fr/

Un manque d'harmonisation en Europe

D'autres pays en revanche acceptent le recours aux mères porteuses, avec profit commercial ou pas. Aux Pays- Bas par exemple, la pratique est indirectement encadrée par la loi pénale néerlandaise mais l'exploitation commerciale y est interdite. Au Danemark, cette technique est acceptée à condition que ça soit fait de façon altruiste et sans recours à la PMA, toujours sans rétribution. Certains pays par contre acceptent l'indemnisation financière comme la Grèce, où le traitement est autorisé pour les femmes célibataires et les couples hétérosexuels, mais avec un certificat médical exigé prouvant l'incapacité de la mère à avoir des enfants. En réalité, en Europe, seuls la Grèce, le Royaume-Uni et le Portugal ont adopté des textes de loi qui autorisent explicitement le recours à la GPA de manière encadrée.

En 2016, afin d'harmoniser les législations sur la GPA au niveau européen, Petra de Sutter, à l'époque sénatrice Groen, et cheffe du département de médecine reproductive à l'hôpital de Gand, avait présenté un rapport au Conseil de l'Europe. Celui-ci faisait état des lieux de la GPA dans les états membres et proposait de légaliser et d'encadrer les mères porteuses, en donnant des lignes directrices, en particulier pour sauvegarder les droits des enfants nés par cette technique reproductive. Dans son rapport, elle faisait également une différence entre la GPA commerciale et altruiste, condamnant la pratique contre rétribution et proposant que les pays autorisent la pratique altruiste pour leurs seuls ressortissants. Mais sa proposition a été rejetée.

Le parlement européen estime que la GPA ne doit pas être autorisée, et il condamne d'ailleurs la pratique pour la première fois en 2014: "La GPA va à l'encontre de la dignité humaine de la femme, dont le corps et les fonctions reproductives sont utilisés comme des marchandises", dit-il dans son rapport annuel.

En France, la GPA reste interdite

En France, alors que le projet de loi pour la PMA pour toutes a été adopté le 29 juin dernier, la GPA reste interdite. Si la gauche majoritaire est pour, la droite s'y oppose.

Les mouvements de droite, opposés au projet de loi PMA pour toutes, dénoncent une société guidée par le désir individuel, sans considération pour l'intérêt de l'enfant. Et selon eux, le projet de loi de PMA pour toutes va inéluctablement conduire à la gestation pour autrui. Pour ces groupes, la GPA éthique n'existe pas, même si elle n'est pas rétribuée . "On ne donne pas plus un enfant qu'on ne le vend et toute GPA implique l'abandon d'un enfant(1) ." Le projet de loi bioéthique adopté récemment permet de reconnaître sous conditions la filiation des enfants nés de GPA à l'étranger, mais en France, "la gestation pour autrui restera une ligne rouge infranchissable", a insisté le ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti.

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Écrit par Carole Stavart30 juin 2021

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