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SUITE DE LA COUVERTURE

« Le coût à charge du patient est élevé »

Élise Derroitte, vice-présidente de la Mutualité chrétienne, jjustifie à la fois le rôle de celle-ci en assurance obligatoire (qui est le cœur de métier des mutualités belges préférable à une « centralisation aveugle ») et celui de l’assurance complémentaire solidaire qui approfondit la protection de ses membres. Plus d’argent pour les syndicats médicaux ? Oui à condition de participer pleinement à l’innovation tous azimuts.

 Elise Derroitte

Le journal du Médecin : Vous offrez des assurances hospitalisation. On vous reproche d'être juge et partie, voulant moins de suppléments pour réduire les coûts que vous couvrez. Que répondez-vous à cela ?

Elise Derroitte : Le coût à charge du patient en Belgique est de 18 %, contre 9 % en France. Nous proposons un système assurantiel non commercial pour couvrir ce coût. Dans notre gouvernance interne, il y a un mur tout à fait hermétique entre notre rôle de cogestionnaire de la sécurité sociale et les assurances facultatives. On ne négocie pas du tout avec deux casquettes. Nous négocions pour réduire les suppléments d'honoraires pour tous les groupes, car beaucoup de gens n'ont pas d'assurance hospitalisation.

Les syndicats médicaux proposaient d'augmenter le ticket modérateur sur la consultation. Pourquoi vous y êtes-vous opposée ?

Parce qu'un ticket modérateur s'applique de manière linéaire et pèse beaucoup plus lourd sur les patients les plus précaires. Les ménages les plus précarisés utilisent 6 % de leur budget pour les soins de santé, contre 2 % pour les favorisés. De plus, la première ligne doit rester le plus accessible possible car c'est la ligne de défense de la prévention. Nous étions cohérents, étant contre l'augmentation du TM sur la consultation et les médicaments remboursables. Nous sommes favorables à ce que les médecins généralistes soient suffisamment financés, notamment pour une consultation préventive, pour améliorer l'accessibilité à la prévention.

Y a-t-il trop de bénéficiaires BIM ? Trois millions mais en réalité 900.000 « véritables » ?

C'est plutôt deux millions que trois millions. Le BIM n'est pas un revenu, c'est juste une prévention majorée. Je ne pense pas qu'il y ait trop de BIM car c'est un système extrêmement contrôlé (analyse du revenu et éléments patrimoniaux). Nous savons qu'il y a en réalité un énorme sous-recours au BIM.

« Le ticket modérateur s'applique de manière linéaire et pèse lourd sur les patients les plus précaires. »

Concernant le maximum à facturer (MAF), le ministre voulait le rendre plus optimal. Le suivez-vous dans ce sens ?

Le problème du MAF pour moi, ce sont les plafonds, qui sont très bas et progressifs. Une bonne réforme proposée par le ministre, à laquelle je suis favorable, est d'intégrer une dimension des soins psychiatriques et psychologiques (le MAF psy). Il faut une réforme du MAF, mais, je le répète : il reste limité par ses plafonds très bas (12.000 euros par an de revenus, NdlR).

Quel est votre bilan de Franck Vandenbroucke après un mandat et demi, sachant qu'il y a eu des plaintes sur son approche cassante et le système de concertation mis à mal ?

J'apprécie que ce soit un ministre qui a une vision, connaît sa matière et met en œuvre des réformes (hospitalière, nomenclature). Cependant, sa forte conviction empêche la gestion paritaire de jouer son rôle. Par exemple, l'arrêté royal sur l'interdiction des suppléments chez les BIM était une bonne mesure sur le contenu, mais aurait dû être négociée dans les accords. Actuellement, on est vraiment au milieu du gué. Pour que sa politique ait de la cohérence, il faut qu'il finisse les réformes qu'il a engagées (nomenclature, réforme hospitalière).

Première ligne en crise

La première ligne semble tout le temps en crise. Fait-on vraiment tout ce qu'il faut pour la rendre efficace ?

On en parle beaucoup, mais on ne la soutient pas toujours de manière adéquate. La première ligne est absolument fondamentale. J'ai été surprise qu'il y ait si peu de médecins adhérant au New Deal, qui pourtant répondait à plusieurs demandes de la première ligne (soutien administratif, travail de groupe). Je suis favorable à renforcer le rôle vraiment préventif et holistique du médecin généraliste.

Êtes-vous favorable à l'échelonnement ?

Je pense qu'il faut que les bonnes tâches soient faites au bon endroit. Mais je ne suis pas pour l'échelonnement absolu, car dans certaines situations complexes, il faut un avis médical avant un suivi direct (comme nous l'avons fait pour les kinés).

Malades de longue durée

Faut-il responsabiliser les généralistes face à la maladie de longue durée, et comment voyez-vous la relation avec le médecin conseil et le médecin du travail (le trio) ?

Je crois vraiment au trio et à la complémentarité des expertises. Le généraliste connaît le patient dans toutes ses dimensions (sociales, familiales). Le médecin conseil connaît la médecine de revalidation et la capacité de travail. Les trois doivent travailler ensemble. Il y a une très forte pression du gouvernement pour le retour au travail, mais il manque une vision d'objectif par rapport à l'incapacité de travail pour distinguer les situations et avoir des interventions précises et adaptées.

Y a-t-il une réflexion à la Mutualité chrétienne sur l'intelligence artificielle (IA) ? Elle pourrait remplacer massivement les tâches automatisées à la MC également…

Nous prenons cela très au sérieux. L'IA est un outil pour travailler de manière plus macro. Cependant, les données de santé des mutuelles sont rassemblées pour rembourser le patient, non pour faire de la politique de santé. Il y a un vrai risque d'utiliser l'IA sans corriger ses biais. Par exemple, la sous-consommation de soins peut être un indicateur de problèmes de santé mentale tout autant que la surconsommation. L'IA doit être utilisée à partir d'une expertise scientifique et médicale.

L'étude IMA montre que 5 % des patients concentrent plus de 50 % des dépenses. Y a-t-il une réflexion sur le case management et les inégalités ?

Oui, c'est notre étude. Il y a des situations très lourdes où le case management est pertinent. Les patients les plus précaires ont une consommation disproportionnée de soins aigus car ils ont trop peu accès à la prévention. Ma conclusion est qu'on n'a pas une politique intentionnelle de réduction des inégalités suffisamment sérieuse.

Différence entre le taux d'assurabilité et l'accessibilité

La couverture (assurabilité) est énorme en Belgique (proche de 100%). Pourtant il y a toujours des problèmes d'accès aux soins. Que faire de plus ?

Il y a une différence entre le taux d'assurabilité et l'accessibilité. L'assurabilité est le degré zéro. L'accessibilité est entravée par quatre seuils: la sensibilité (savoir qu'on est malade), l'accessibilité financière (le out of pocket est très élevé en Belgique), la disponibilité des soins, et l'acceptabilité (ce qui est proposé convient-il ?).

Que pensez-vous du rôle de la mutualité ? Doit-elle, comme en France, se limiter aux assurances complémentaires et laisser l’assurance-obligatoire à l’Inami ?

Je suis très favorable à ce que la mutualité gère l'assurance obligatoire ; c'est notre mission principale. Les complémentaires sont l'« antichambre » de l'obligatoire. Notre force est la gestion paritaire (experts et patients), qui est beaucoup plus efficace qu'un modèle centralisé. Nous, mutuellistes, représentons 99 % de la population et captons très agilement les besoins avec des agences partout en Belgique et des contacts-patients tous les jours (environ 100.000).

Bonne relation mutuelles-organisations professionnelles

Seriez-vous favorable à ce que les syndicats médicaux aient plus d'argent pour participer pleinement à la concertation ?

Oui, je pense qu'il est utile de permettre que la gestion paritaire se fasse de manière professionnelle et je suis a priori favorable. Il faut donner des moyens financiers, du temps et de la qualité pour laisser la gestion paritaire mais pour proposer des innovations.

Comment qualifiez-vous les relations entre les représentants des prestataires et votre mutuelle ?

J'ai un grand respect pour leur travail et des très bonnes relations avec la plupart des représentants. Les discussions sont parfois difficiles sur le budget, mais leur travail est absolument fondamental. Il est crucial qu'il y ait suffisamment de renouvellement pour permettre à une nouvelle génération d'intégrer ce modèle. Il faut que les syndicats professionnels transmettent la vision de la santé comme bien commun.

Indispensable pour bien comprendre les enjeux : l’intégralité de cet entretien (en deux parties) sur https://lejournaldumedecin.pmg.be/fr/

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Écrit par Nicolas de Pape10 novembre 2025

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