L'OMS met en garde
Les inégalités compromettent la lutte contre le cancer du col de l'utérus
L'OMS souhaite éradiquer le cancer du col de l'utérus d'ici à 2030 grâce à la vaccination, au dépistage et au traitement à grande échelle. Mais une nouvelle étude mondiale publiée dans The Lancet Global Health montre que les efforts médicaux seuls ne suffisent pas. Les pays qui obtiennent les meilleurs résultats sont ceux qui disposent de systèmes de santé solides, équitables et organisés démocratiquement.
En 2020, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a formulé un plan ambitieux visant à éliminer le cancer du col de l'utérus dans le monde. D'ici à 2030, les pays devraient atteindre trois objectifs : 90 % des filles devraient être vaccinées contre le papillomavirus humain (HPV) avant l'âge de 15 ans, 70 % des femmes devraient subir un dépistage du cancer du col de l'utérus avant l'âge de 35 ans (et à nouveau avant 45 ans), et 90% des femmes atteintes d'un cancer devraient être traitées.
Des progrès décevants
Cependant, cinq ans après son lancement, les progrès sont décevants. Les pays à revenu faible ou intermédiaire, en particulier, sont à la traîne. Les programmes de vaccination, de dépistage et de traitement y sont souvent mis en œuvre dans le cadre de systèmes de santé faibles ou fragmentés, ce qui limite considérablement leur portée et leur efficacité.
Une analyse internationale publiée dans The Lancet Global Health a examiné les données de 155 pays afin de déterminer les facteurs associés à une mise en œuvre réussie de la stratégie de l'OMS. Elle montre que les pays qui obtiennent les meilleurs résultats ont tendance à avoir des systèmes de santé solides et équitables, des investissements publics suffisants dans les soins, une gouvernance démocratique et une faible corruption. Les facteurs sociaux jouent également un rôle. L'égalité des sexes, la justice sociale et la confiance dans les institutions semblent être des conditions préalables importantes pour un large accès à la vaccination et au dépistage.
Dans les pays ayant un indice de développement humain (IDH) élevé, la vaccination contre le papillomavirus est incluse dans le programme national dans 80 % des cas, contre seulement 35 % dans les pays ayant un IDH faible. Le taux de vaccination médian est de 66 % contre 0 %, respectivement. Les différences sont également importantes en ce qui concerne le dépistage et l'accès au traitement.
Approche diagonale
Les chercheurs préconisent une "approche diagonale" du renforcement des systèmes de santé : les programmes de lutte contre le cancer du col de l'utérus ne devraient pas être séparés d'autres initiatives, mais intégrés dans les structures existantes telles que les soins maternels et infantiles. De cette manière, les pays peuvent utiliser les infrastructures et les ressources humaines plus efficacement tout en améliorant l'ensemble des soins de santé.
Les organisations internationales telles que l'alliance pour les vaccins Gavi, Unitaid et l'UNICEF apportent un soutien financier et technique, mais leur impact reste limité tant que les gouvernements nationaux n'investissent pas dans des structures de soins durables et dans la bonne gouvernance. "L'élimination du cancer du col de l'utérus n'est pas seulement un défi médical, mais aussi une tâche politique et sociétale", concluent les auteurs. "Seuls les pays qui s'attaquent aux inégalités structurelles, mettent en place des soins de santé universels et renforcent la qualité de leurs systèmes de santé parviendront à éradiquer efficacement ce cancer évitable."