Continuité sans vision
Budget compliqué, accord médicomut incertain... Pourtant "ce n’est pas une année particulière", assure Yves Smeets, le DG de santhea . Trente ans de métier, l’habitude des crises, la routine du trou à boucher. Comme si vivre en permanence en état d’alerte était devenu la norme pour les hôpitaux. On en rirait presque… si ce n’était pas si dramatique.
Parce que non, ça ne devrait pas être normal. Ni pour les institutions, ni pour les soignants. Depuis le covid, le personnel hospitalier cumule burn out, pénurie et quête de sens au travail. Lui demander d’avancer à vue, dans une cocotte-minute budgétaire et réglementaire, c’est comme exiger d’un marathonien de courir sans jamais savoir où est la ligne d’arrivée.
Et c’est là que le politique doit entrer en scène. Son rôle n’est pas de gérer au jour le jour, mais de donner une vision. Un cap. Mais on cherche encore. On pouvait pourtant se réjouir : pour la première fois, la Belgique garde un même ministre de la Santé pendant deux législatures consécutives (oui, c’est inédit, vérifiez la liste sur Wikipédia). On aurait pu espérer une stratégie de long terme, une réforme pensée avec cohérence.
Résultat ? La continuité ministérielle n’a pas apporté de stabilité, mais alimenté les ressentiments. L’été a été marqué par une confrontation entre médecins et ministre. Cela a même abouti à une grève le 7 juillet. Une « grèveke » diront certains. Mais cela ne renvoie pas vraiment l’image d’un secteur qu’on pilote sereinement.
Alors oui, on peut admirer la résilience des hôpitaux, ces « porte-avions » qui tiennent malgré tout. Mais un navire sans destination, c’est juste un bateau qui dérive. À force de naviguer au radar, on risque le naufrage.
Alors arrêtons de normaliser l’urgence permanente. Les hôpitaux et leurs équipes n’ont pas besoin d’une survie au trimestre, ils ont besoin d’une perspective. Au politique de leur donner enfin autre chose qu’un agenda de crise.