De Duve/ UCLouvain
Antibiorésistance: une défense bactérienne à trois niveaux

Des chercheurs de l'UCLouvain ont découvert que les trois couches distinctes qui composent l'enveloppe des bactéries agissent de concert pour assurer leur protection - et non une seule, comme on le pensait. Un changement de paradigme majeur, qui bouleverse la compréhension de l'antibiorésistance.
La découverte, publiée dans Nature Microbiology, remet en question le modèle longtemps admis selon lequel le peptidoglycane - une sorte de 'mur rigide' autour de la bactérie - suffit à lui seul à résister aux agressions de l'environnement, et notamment à celle des antibiotiques.
L'UCLouvain montre que le mécanisme de défense bactérien n'est pas attribuable à une seule couche, mais qu'il repose en réalité sur la coopération des trois couches qui composent leur enveloppe. L'étude belge va permettre d'appréhender sous un jour nouveau cette défense des bactéries et mettre au point de nouveaux antibiotiques.
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Une triple défense
Jean-François Collet, chercheur à l’Institut de Duve de l’UCLouvain et investigateur au WEL Research Institute étudie, depuis plus de 20 ans, avec son équipe, la résistance des bactéries aux antibiotiques.
"Jusqu'à récemment, le peptidoglycane était considéré comme la couche essentielle évitant l'implosion de la bactérie", explique-t-il. Concrètement, lorsqu’une bactérie est attaquée (par un antibiotique, par ex.), elle implose. Pour résister à ces attaques, elle construit des fortifications comportant plusieurs lignes de défense.
L'une d'elle, appelée peptidoglycane, forme une structure rigide, sorte de squelette extra cellulaire. Son labo vient de démontrer que ce "squelette extracellulaire" fait en réalité partie d'un mécanisme plus large, impliquant les trois couches de défense.
"C'est l'ensemble du système qui protège les bactéries de nombreux antibiotiques."
Vers de nouveaux antibiotiques
Ce fonctionnement s'applique à la moitié des bactéries actuellement connues, comme Escherichia coli ou la salmonelle.
Cette avancée constitue "un changement de paradigme majeur" qui pourrait ouvrir la voie au développement de nouveaux antibiotiques ciblant l'enveloppe bactérienne dans son ensemble.
"Mieux on connaît nos ennemis et leurs moyens de défense, mieux on peut les attaquer ou déjouer leurs systèmes", souligne Jean-François Collet dans un communiqué de l'UCLouvain.
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Une menace majeure
La découverte intervient dans un contexte où la résistance aux antibiotiques représente de plus en plus un défi sanitaire. L'OMS considère l'antibiorésistance comme une menace "majeure" pour la santé mondiale.
"Alors que les bactéries deviennent de plus en plus résistantes, il n'est pas illusoire de penser que d'ici 15-20 ans, nous connaîtrons une ère semblable à ce que nous vivions avant la découverte de la pénicilline au début du 20e siècle", avertit M. Collet.