Une signature du temps d'écran dans le sang ?
Le temps d'écran favorise le risque cardiovasculaire chez les jeunes
Le temps que les enfants et les jeunes adultes passent sur les téléphones, les consoles de jeu et autres appareils pourrait mettre leur santé cardiovasculaire en danger, selon une nouvelle étude publiée dans le Journal of the American Heart Association.

Les enfants et les jeunes adultes qui passent un nombre excessif d’heures rivés à des écrans et à des appareils électroniques pourraient présenter un risque accru de maladies cardiométaboliques, telles que l’hypertension artérielle, un taux de cholestérol élevé et une résistance à l’insuline, selon une nouvelle recherche publiée le 6 août dans le Journal of the American Heart Association, une revue en libre accès et peer-reviewée de l’American Heart Association.

Le Pr David Horner
( © COPSAC )
Cette recherche porte sur plus de 1.000 participants issus de deux études menées au Danemark. « Limiter le temps d’écran récréatif durant l’enfance et l’adolescence pourrait protéger la santé cardiovasculaire et métabolique à long terme », a déclaré le Dr David Horner, auteur principal de l’étude, médecin et chercheur à l’Université de Copenhague. « Notre étude apporte des preuves que ce lien se manifeste tôt dans la vie, et souligne l’importance d’avoir des routines quotidiennes équilibrées. »
Télévision, téléphones, tablettes et ordinateurs
À partir de données issues d’un groupe d’enfants de 10 ans étudiés en 2010 et d’un groupe de jeunes de 18 ans étudiés en 2000, les chercheurs ont examiné la relation entre le temps passé devant un écran et les facteurs de risque cardiométabolique. Le temps d’écran incluait le visionnage de la télévision ou de films, les jeux vidéo, ainsi que l’utilisation de téléphones, tablettes ou ordinateurs à des fins récréatives.
Les chercheurs ont mis au point un score composite basé sur un ensemble de composantes du syndrome métabolique - le tour de taille, la pression artérielle, le taux de cholestérol HDL (le « bon » cholestérol), les triglycérides et le taux de sucre dans le sang - en tenant compte du sexe et de l’âge. Ce score cardiométabolique reflétait le risque global d’un participant par rapport à la moyenne du groupe étudié (mesuré en écarts-types) : un score de 0 indique un risque moyen, tandis qu’un score de 1 correspond à un écart-type au-dessus de la moyenne.
Chaque heure cumulée aggrave le problème

L’analyse a révélé que chaque heure supplémentaire de temps d’écran augmentait le score cardiométabolique d’environ 0,08 écart-type chez les enfants de 10 ans et de 0,13 écart-type chez les jeunes de 18 ans. « Cela signifie qu’un enfant avec trois heures de temps d’écran supplémentaires par jour présenterait un risque supérieur d’un quart à une demi-unité d’écart-type par rapport à ses pairs », précise le Dr Horner.
« C’est un changement modeste par heure, mais lorsque le temps d’écran atteint trois, cinq, voire six heures par jour - comme nous l’avons observé chez de nombreux adolescents - cela finit par peser », explique-t-il. « Si l’on extrapole cela à l’échelle d’une population entière d’enfants, on observe une évolution notable du risque cardiométabolique précoce, qui pourrait persister à l’âge adulte. »
Le manque de sommeil renforce la corrélation
L’analyse a également révélé qu'une durée de sommeil plus courte ainsi qu’une heure de coucher plus tardive renforçaient le lien entre le temps d’écran et le risque cardiométabolique. Les enfants et les adolescents qui dormaient moins présentaient un risque significativement plus élevé pour une même quantité de temps d’écran.

« Pendant l’enfance, la durée du sommeil n’a pas seulement modulé cette relation, elle l’a aussi partiellement expliquée : environ 12 % de l’association entre le temps d’écran et le risque cardiométabolique l'était par l'intermédiaire d'une durée de sommeil plus courte », déclare le Pr Horner. « Ces résultats suggèrent qu’un sommeil insuffisant pourrait non seulement amplifier l’impact du temps passé devant les écrans, mais aussi constituer une manière-clé de relier les habitudes d’écran aux premiers changements métaboliques. »
Une signature du temps d'écran dans le sang
Par ailleurs, une analyse par apprentissage automatique a permis d’identifier une signature métabolique spécifique dans le sang, apparemment liée au temps d’écran.
« Nous avons pu détecter un ensemble de modifications des métabolites sanguins - une sorte d’“empreinte digitale” du temps d’écran - ce qui valide l’impact biologique potentiel de ce comportement », ajoute-t-il. « En utilisant les mêmes données de métabolomique, nous avons également évalué si le temps d’écran était lié à un risque cardiovasculaire prévisible à l’âge adulte. Nous avons observé une tendance positive dès l’enfance et une association significative à l’adolescence. Cela suggère que les changements métaboliques liés aux écrans pourraient contenir des signaux précoces d’un risque cardiovasculaire à long terme. »
Le rôle des soignants

Amanda Marma Perak, médecin et présidente du comité de prévention des maladies cardiovasculaires chez les jeunes de l’American Heart Association (Young Hearts Cardiovascular Disease Prevention Committee), qui n’a pas participé à cette étude, précise que le sommeil constitue un excellent point de départ pour modifier les habitudes liées aux écrans.
« Si réduire le temps d’écran semble difficile, commencez par avancer ce moment dans la journée et concentrez-vous sur l’objectif de se coucher plus tôt et de dormir plus longtemps », a déclaré la Dre Perak, également professeure adjointe en pédiatrie et médecine préventive à la Feinberg School of Medicine de l’Université Northwestern, à Chicago.