La biodiversité alimentaire, nouveau concept pour contrer la prise de poids
La 32e édition de l’ECO faisait (logiquement) la part belle aux nouvelles études portant sur les analogues du GLP-1 dans le traitement de l’obésité. Associé à ses conséquences diverses sur la santé, le caractère chronique et multifactoriel de cette pathologie s’est également traduit par des exposés plus variés, ouvrant la voie à des pistes intéressantes tant en termes de santé publique que de mécanismes physiopathologiques.
BIODIVERSITÉ - Bernard Srour, professeur junior d’épidémiologie à l’INRAE (l’Institut national de recherche pour l’agriculture et l’environnement en France), a présenté une étude sur l’association possible entre la biodiversité alimentaire et l’obésité. De nombreux travaux ont déjà montré un lien entre la santé et la diversité alimentaire en macro- et micronutriments, ainsi que l’alimentation de type biologique.
Il s’agissait, dans cette étude, de vérifier tout autre chose : l’impact de la diversité des espèces animales, végétales et autres dans l’alimentation. Pour prendre un exemple simple, consommer du lait de vache et de la viande de bœuf correspond à la consommation d’aliments provenant d’une seule espèce du monde vivant.
La biodiversité alimentaire présente déjà un bénéfice global au niveau planétaire, notamment en réduisant la dépendance des humains à seulement quelques espèces. Ainsi, en ce qui concerne l’agriculture, la production intensive a débouché sur le fait que plus de la moitié de notre consommation tient dans seulement quatre espèces (le riz, la pomme de terre, le maïs et le blé), ce qui contribue par ailleurs à une altération de différents écosystèmes. À l’inverse, soutenir la biodiversité alimentaire peut contribuer au développement d’une agriculture et d’un élevage durables.
Un lien entre diversité et surpoids ?
La première étude prospective sur les bénéfices possibles de la biodiversité alimentaire sur la santé a été publiée il y a moins d’un an dans l’European Journal of Cancer [1]. Incluant neuf pays européens, elle a montré dans une cohorte de plus de 450.000 adultes (suivi médian : 14,1 ans) qu’une plus forte richesse en espèces alimentaires (DSR, Dietary Species Richness) était inversement associée notamment au taux de mortalité toutes causes confondues, ainsi qu’à plusieurs cancers de la sphère gastro-intestinale.
L’équipe réunie autour de Bernard Srour a voulu vérifier s’il existait un lien entre la DSR et le surpoids ainsi que l’obésité au travers de la cohorte française Nutrinet-Santé, lancée en 2009 et toujours l’objet d’analyses prospectives, en s’appuyant notamment sur des questionnaires adressés régulièrement aux participants. Ici, les chercheurs se sont intéressés aux données de base des deux premières années, y calculant le nombre d’espèces différentes (et donc la DSR) dans l’alimentation des participants. La population étudiée excluait ceux qui avaient subi une intervention de chirurgie bariatrique, qui avaient suivi un régime restrictif ou qui présentaient des antécédents de cancer.
La DSR végétale avant tout
Présentée le 12 mai à l’ECO, l’étude [2], dont le suivi actuel s’élève à 15 ans et à laquelle a participé l’UGent, a bien montré différents liens bénéfiques avec une DSR élevée. Ainsi, après ajustement pour de nombreux facteurs potentiels de confusion, les participants ayant une DSR plus élevée (quartile 4, soit au moins 40 espèces différentes) avait un risque 18 % moindre d’excès pondéral (risque relatif RR : 0,82) et 26 % moindre d’obésité (RR : 0,74) que ceux du quartile 1 (jusqu’à dix espèces). Ces associations observées étaient linéaires. À noter encore qu’une analyse plus détaillée fait ressortir que ces effets étaient liés à la DSR en aliments végétaux, et pas à la DSR en aliments d’origine animale.
Plusieurs pistes d’explication
Bernard Srour estime que la recherche d’une biodiversité suffisante dans l’alimentation « pourrait représenter une approche complémentaire à la diversité alimentaire » pour prévenir la prise de poids au fil des ans. Quant aux mécanismes qui seraient en jeu, ils pourraient consister dans une exposition plus élevée à des composés alimentaires bénéfiques – tout particulièrement en ce qui concerne les végétaux, ainsi que dans une synergie possible entre certains aliments.
« Il y a aussi la piste d’une exposition plus limitée aux contaminants liés à telle ou telle espèce unique, comme par exemple certains résidus de pesticides », avance-t-il, ajoutant la possibilité d’un rôle joué par un microbiome intestinal plus varié. Ces points feront l’objet d’études complémentaires, notamment sur les liens éventuels avec des biomarqueurs de l’inflammation et le microbiome.
Références :
[1] Huybrechts I et al. Food biodiversity and gastrointestinal cancer risk in nine European countries: Analysis within a prospective cohort study. Eur J Cancer. 2024 Oct;210:114258. doi: 10.1016/j.ejca.2024.114258
[2] Food biodiversity and weight variation : associations in a French cohort. Bernard Srour, ECO 2025
Lire par ailleurs : Le jeûne intermittent 5:2, très prometteur dans la MASH et Chez l’enfant, 5 minutes de publicité alimentaire équivalent à... 130 kcal de plus dans l’estomac