Une étude confirme la cancérogénicité du glyphosate chez l’animal
Une étude internationale publiée ce 10 juin dans la revue Environmental Health, relance le débat sur la dangerosité du glyphosate. Emmenée par l’Institut Ramazzini, en collaboration avec des chercheurs du King’s College London, du Boston College et de la Mount Sinai School of Medicine (NY), cette vaste étude scientifique est qualifiée par le journal Le Monde d' « étude animale la plus ambitieuse conduite à ce jour sur les effets cancérogènes » de l’herbicide (le plus utilisé au monde, pour rappel).
Plus de 1.000 rats 'Sprague–Dawley' ont été exposés, via l'eau potable, in utero puis tout au long de leur vie, soit à du glyphosate pur, soit à deux formulations commerciales : Roundup Bioflow (utilisé dans l'UE) et RangerPro (USA). Les doses testées - de 0,5 à 50 mg/kg/jour - correspondent à celles jugées sans danger par les autorités européennes.
Les résultats sont sans appel : une augmentation statistiquement significative, dose-dépendante, de l’incidence de tumeurs bénignes et malignes a été observée dans tous les groupes exposés, chez les deux sexes, et y compris à faibles doses.
Les tumeurs sont apparues dans les tissus hémolymphoréticulaires (leucémie), la peau, le foie, la thyroïde, le système nerveux, les ovaires, les glandes mammaires, les glandes surrénales, les reins, la vessie, les os, le pancréas endocrinien, l’utérus et la rate (hémangiosarcome). "La plupart de ces tumeurs sont rares chez les rats SD (incidence de fond <1%), avec 40% des décès par leucémie dans les groupes traités survenant avant l’âge de 52 semaines", notent les checheurs dans leurs conclusions. "Une augmentation des décès précoces a également été observée pour d’autres tumeurs solides."
Lire l'étude en intégralité : Carcinogenic effects of long-term exposure from prenatal life to glyphosate and glyphosate-based herbicides in Sprague–Dawley rats
Des preuves solides, qui confirment la position du CICR
Le glyphosate et les HBG, à des niveaux d’exposition correspondant à la DJA et au NOAEL de l’UE, augmentent l’incidence de multiples tumeurs bénignes et malignes chez l'animal. « Environ la moitié des morts des suites de leucémies observées chez les animaux traités se sont produites sur des rats de moins d'un an d’âge, ce qui correspond à 35-40 ans pour un humain », explique entre autres Daniele Mandrioli, directeur du Centre de recherche sur le cancer de l’Institut Ramazzini et coordinateur de l’étude. Pour lui, ces résultats renforcent la position du CIRC qui, dès 2015, avait classé le glyphosate comme 'cancérogène probable', contrairement aux agences réglementaires européenne et américaine qui, elles, estimaient les données non significatives . "De plus, nos données sont cohérentes avec les preuves épidémiologiques concernant la cancérogénicité du glyphosate et des HBG", ajoutent les auteurs de la nouvelle étude.
L’Union européenne a réautorisé le glyphosate pour dix ans en 2023.
Les résultats de cette nouvelle étude pourrait relancer le débat en matière de normes toxicologiques. Selon le quotidien Le Monde, l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments), invitée à réagir aux résultats, dit avoir "réclamé en vain, ces derniers mois, les données brutes de l’expérience menée par l’Institution italienne." Daniele Mandrioli répond: « Nous avons fourni aux autorités réglementaires tout ce que nous pouvions partager en attendant la publication formelle de nos résultats. Maintenant que nous avons un article revu par les pairs, dûment publié, nous allons pouvoir fournir plus de données aux parties prenantes. »
Qui est l’Institut Ramazzini ?
Basée à Bologne, cette coopérative privée à but non lucratif de plus de 27.000 associés (près de 200 scientifiques) se consacre à la promotion de la recherche scientifique pour la prévention du cancer. L'Institut est l’un des rares centres au monde en capacité de mener des essais aussi longs et rigoureux que celui d ecette nouvelle étude. Ainsi, contrairement aux protocoles classiques limités à 110 semaines (= +/- 60 ans chez l'homme), ses études suivent les rongeurs jusqu’à leur mort naturelle (ou 130 semaines) pour s'assurer de comprendre les effets tant précoces que tardifs de l’exposition – notamment durant la gestation. L'Institut planche sur le glyphosate depuis le printemps 2016.