Traitement inédit des malformations cérébrales chez les nouveau-nés : l’H.U.B aux premières loges

Une première mondiale née d’une collaboration entre l’Hôpital Universitaire de Bruxelles (H.U.B) et l’ULB permet de mieux comprendre et potentiellement traiter des malformations vasculaires cérébrales très graves chez les tout-petits.
Ce 12 juin 2025 restera une date marquante dans l’histoire de la médecine néonatale belge. Ce jeudi, le Service de neuroradiologie interventionnelle de l’H.U.B du Pr Boris Lubicz et le Laboratoire de physiologie de la Faculté de médecine de l’ULB du Pr Nicolas Baeyens ont annoncé dans Nature Cardiovascular Research une découverte inédite qui pourrait transformer la prise en charge des malformations vasculaires du cerveau chez les nouveau-nés. Des anomalies aussi rares que meurtrières, parmi lesquelles la redoutée « malformation de la veine de Galien ».
« Bien plus que de la science »
"Cette avancée, c’est bien plus que de la science : c’est une nouvelle chance pour les nouveau-nés les plus fragiles, trop souvent oubliés de la recherche », affirme le Pr Boris Lubicz. Et de rappeler que la recherche pédiatrique, bien que cruciale, reste globalement sous-financée. « C’est choquant : la seule espèce vivante qui protège davantage ses vieux que ses petits, c’est nous. »
Ce qui est en jeu est la malformation de la veine de Galien une pathologie dévastatrice : des connexions anormales entre artères et veines provoquent une surcharge de sang dans le cerveau, causant hémorragies, déformations et atteintes cardiaques sévères dès la naissance. Un tiers des bébés affectés peut attendre quelques mois avant une opération. Mais pour les autres, l’urgence est vitale : sans intervention rapide, l’issue est souvent fatale ou entraînant de lourdes séquelles neurologiques. Même opérés, seuls 50 % des enfants échappent à des troubles majeurs du développement cérébral.
Chirurgie risquée
Les cas les plus agressifs nécessitent une chirurgie endovasculaire ultra-précise et hautement risquée, pratiquée dans seulement quelques centres en Europe. À l’H.U.B, une centaine d’interventions par an sont réalisées pour des patients du Bénélux, mais aussi du Moyen-Orient ou d’Afrique du Nord.
L’approche de l’équipe bruxelloise se distingue par sa dimension transdisciplinaire et humaine. Boris Libicz : « Le traitement consiste à cartographier avec une extrême précision les vaisseaux, puis à injecter de la colle via microcathéters pour cautériser les déversements de sang. »
Il était une fois le poisson-zèbre
À la base de cette percée, un modèle inédit développé par le Pr Nicolas Baeyens. L’objectif ? Comprendre comment ces malformations apparaissent dans les toutes premières semaines de développement embryonnaire. « Quand j’ai rencontré Boris en 2018, on s’est dit qu’on ne pouvait pas juste chercher un médicament au hasard. Il fallait comprendre la pathologie pour l’attaquer à la racine », explique-t-il.
Le résultat est un modèle animal novateur : des larves de poisson-zèbre, dont les vaisseaux sanguins présentent une analogie frappante avec la veine de Galien humaine. En reproduisant deux mutations génétiques (RASA1 et EPHB4), les chercheurs ont pu observer le développement de la malformation in vivo. « Pour la première fois, on a pu voir que l’origine du problème est l’absence de fusion entre deux vaisseaux à un moment-clé de la vie embryonnaire. »
Mieux encore : des tests médicamenteux sur ces larves ont montré qu’il était possible de restaurer cette fusion, réduisant ainsi la formation de la veine anormale et facilitant les conditions de la chirurgie. « Ce n’est pas de la science-fiction. C’est en train de devenir une réalité. »
La mère de la petite Esmée témoigne
Parmi les histoires derrière la science, celle de la petite Esmée, deux ans bientôt, et de sa mère, Mme Genart. Porteuse elle-même d’une maladie génétique (Rendu-Osler), Mme Genart apprend à 35 semaines de grossesse que sa fille souffre de deux malformations vasculaires cérébrales. Esmée naît prématurée. Deux jours plus tard, la malformation est confirmée par IRM. La mère raconte : « On se sent totalement démuni. L’immense joie de la naissance est immédiatement gâchée. »
Esmée est opérée rapidement à l’H.U.B par le Dr Lubicz. Suivront plusieurs interventions. « Pas de cicatrice visible. C’est désarçonnant pour l’entourage. Mais on sait ce qu’elle a traversé. On est conscients d’avoir eu beaucoup de chance. » À deux ans d’âge, Esmée va bien.
Ce parcours du combattant illustre ce que pourrait permettre la découverte annoncée : réduire les souffrances, améliorer la survie, éviter les séquelles. « Nous devons concrétiser cette recherche pour que tous les bébés dans le monde aient la même chance qu’Esmée », insiste Boris Lubicz.
Transformer la découverte en traitement
Pour cela, il faudra des moyens. L’équipe bruxelloise estime entre 4 et 6 millions d’euros le budget nécessaire pour mener à bien les études précliniques et cliniques permettant de tester les molécules identifiées. Le soutien du Fonds Erasme, de la Fondation ULB et du FNRS a été déterminant jusque-là. Mais un appel à la société est désormais lancé.
« Il faut que les pouvoirs publics, les philanthropes, les entreprises se mobilisent. Car cette percée, si elle reste dans les labos, ne changera aucune vie », alerte Cécile Van Parijs, directrice du Fonds Erasme.
L’espoir renaît pour les tout-petits patients…