Vih

VIH et maladies cardiovasculaires : appel à des stratégies de prévention ciblées, pour un risque sous-estimé  

Juin 2025 - Basée sur la population de l’étude REPRIEVE, une nouvelle analyse, menée par le Dr Steven Grinspoon (Harvard Medical School) et ses collaborateurs, met en lumière l’existence d’un risque accru d’événements CV graves chez les personnes vivant avec le VIH, même lorsque ces dernières ne présentent qu’un risque CV traditionnel faible à modéré. 

Alors que les progrès du traitement antirétroviral ont transformé l’infection par le VIH en une maladie chronique, cette étude rappelle que les complications non SIDA dépendantes, notamment cardiovasculaires, constituent désormais la cause majeure de morbidité et de mortalité au sein de cette population vieillissante. 

hivCette nouvelle analyse se base sur la population recrutée dans le cadre de la vaste étude REPRIEVE, qui a inclus 7.770 personnes vivant avec le VIH âgées de 40 à 75 ans, sans antécédents cardiovasculaires particuliers à l’inclusion et recrutés dans 12 pays. Tous présentaient un taux de LDL < 130 mg/dL et avaient un  risque cardiovasculaire faible à modéré, selon le score ASCVD standard.

Les événements cardiovasculaires étudiés incluent : infarctus du myocarde, AVC ischémique, hospitalisation pour angor instable, revascularisation coronarienne et décès cardiovasculaire. L’étude a utilisé des modèles de Cox multivariés pour identifier les facteurs associés à une survenue d’événements cardiovasculaires.  

VIH : un risque cardiovasculaire souvent sous-estimé  

Les résultats montrent que par rapport à la population générale, le risque de survenue d'un premier événement cardiovasculaire majeur était plus élevé pour les personnes vivant avec le VIH âgées de 50 ans et plus, pour celles issues de la communauté noire ou afro-américaine vivant dans les pays à revenu élevé, et en présence de facteurs de risque traditionnels tels que le tabagisme actif, l’hypertension artérielle, un faible taux de cholestérol HDL, une charge virale non contrôlée.  

Les femmes vivant avec le VIH : un profil de risque à part 

Une des découvertes les plus surprenantes et intéressantes de cette étude concerne les différences entre les sexes. Contrairement à la population générale où les femmes sont généralement moins à risque de maladies cardiovasculaires avant la ménopause, les femmes vivant avec le VIH ne bénéficient plus de cette “protection naturelle”. Leur risque d’événement cardiovasculaire majeur est comparable, voire parfois supérieur, à celui des hommes vivant avec le VIH, suggérant une interaction particulière entre hormones, inflammation chronique liée au VIH et métabolisme.
Cette donnée est capitale pour la pratique clinique car elle souligne la nécessité d’une approche plus proactive dans le dépistage et la prévention cardiovasculaire chez les femmes séropositives longtemps considérées comme “à faible risque”. 

Le rôle central de l’inflammation chronique 

Outre les facteurs traditionnels, le VIH lui-même semble jouer un rôle central dans la genèse des atteintes cardiovasculaires. Chez les patients dont la charge virale est bien contrôlée par les antirétroviraux, l’infection entraîne une inflammation persistante et une activation immunitaire chronique qui accélèrent le processus d’athérosclérose et augmentent le risque d’événements cardiovasculaires.
Chez les personnes dont la charge virale demeure détectable (> 200 copies), l’étude montre une situation encore plus préoccupante puisqu’on constate une augmentation de près de 80% du risque d’événements par rapport à la population générale.
Enfin, on observe aussi une augmentation significative du risque d’événements chez les personnes traitées par des combinaisons antirétrovirales non standards (hors inhibiteurs de l’intégrase et des inhibiteurs de protéase boostés).

Toutes ces constations de l’implication du virus lui-même sur la santé cardiaque plaident donc pour une prise en charge stricte et la plus précoce possible de l’infection. 

Les bénéfices démontrés des statines 

L’essai REPRIEVE avait pour objectif d’évaluer l’impact préventif d’un traitement par statines chez les personnes vivant avec le VIH. Les résultats, publiés dans The New England Journal of Medicine en 2023, ont montré que la pitavastatine, administrée quotidiennement, réduisait de 35 à 36% le risque d’événements cardiovasculaires majeurs.
Cette statine, choisie pour sa faible interaction avec les antirétroviraux, semble bien tolérée et efficace au point d’avoir conduit à une révision des recommandations internationales. En effet, les statines sont désormais conseillées pour les personnes vivant avec le VIH dès un niveau de risque cardiovasculaire faible à modéré, ce qui était rarement le cas auparavant. 

Agir sur les facteurs modifiables pour une meilleure prévention  

L’étude insiste fortement sur l’importance des facteurs comportementaux modifiables. Parmi eux, le tabagisme reste l’un des risques principaux et le plus fréquent. Près de 40% des participants étaient fumeurs actifs. Bonne nouvelle néanmoins puisque ceux qui avaient arrêté de fumer avant le début de l’étude ne présentaient pas de sur-risque comparé aux non-fumeurs, ce qui confirme les bénéfices immédiats du sevrage tabagique.
La gestion de l’hypertension, le maintien d’un cholestérol HDL élevé, le contrôle glycémique, la pratique d’une activité physique et un suivi nutritionnel apparaissent également comme des leviers essentiels pour réduire les complications cardiovasculaires. 

Une prise en charge du VIH en pleine mutation

Le message de cette étude est clair : la prise en charge du VIH ne peut plus se limiter au contrôle virologique. Elle doit, d’une part, devenir globale en intégrant les dimensions cardiovasculaires, métaboliques, hormonales et comportementales et, d’autre part, elle doit individualiser les stratégies de prévention, en particulier pour les groupes historiquement sous-évalués comme les femmes, les patients plus âgés ou les minorités ethniques.

Les cliniciens sont aussi invités à utiliser des outils de dépistage, notamment les scores d’évaluation du risque cardiovasculaire, mieux adaptés à cette population et à intégrer les statines et d’autres traitements préventifs de manière plus systématique.

La publication de cette analyse constitue un tournant dans l’approche médicale des personnes vivant avec le VIH, en démontrant, preuves à l’appui, que les risques cardiovasculaires sont bien réels et qu’ils peuvent être efficacement réduits par des stratégies adaptées et proactives. Alors que l’espérance de vie des personnes vivant avec le VIH continue de croître grâce aux progrès thérapeutiques, l’enjeu des prochaines années sera de préserver cette qualité de vie en prévenant les maladies chroniques associées au vieillissement, à commencer par les affections cardiovasculaires. 

>> Réf: Grinspoon SK et al. Clinical Infectious Diseases, mise en ligne sur le site 25/04/2025

Accès GRATUIT à l'article
ou
Faites un essai gratuit!Devenez un partenaire premium gratuit pendant un mois
et découvrez tous les avantages uniques que nous avons à vous offrir.
  • checknewsletter hebdomadaire avec des nouvelles de votre secteur
  • checkl'accès numérique à 35 revues spécialisées et à des aperçus du secteur financier
  • checkVos messages sur une sélection de sites web spécialisés
  • checkune visibilité maximale pour votre entreprise
Vous êtes déjà abonné? 
Écrit par Dr Jean-Luc Schouveller

En savoir plus sur

Magazine imprimé

Édition Récente

Lire la suite

Découvrez la dernière édition de notre magazine, qui regorge d'articles inspirants, d'analyses approfondies et de visuels époustouflants. Laissez-vous entraîner dans un voyage à travers les sujets les plus brûlants et les histoires que vous ne voudrez pas manquer.

Dans ce magazine
Cookies

Le journal du Médecin utilise des cookies pour optimiser et personnaliser votre expérience d'utilisateur. En utilisant ce site web, vous acceptez la politique en matière de confidentialité et de cookies.