L'Ordre appelle à ne pas faire pression sur le choix de la chambre à l'hôpital
Des patients hospitalisés se voient encore incités à opter pour une chambre individuelle sous la pression, parfois implicite, de leur médecin. La pratique est illégale, mais aussi contraire à la déontologie, recadre le Conseil national de l’Ordre des médecins dans un avis rendu le 25 avril 2025.

Le Conseil a examiné une pratique de plus en plus signalée sur le terrain consistant à facturer des suppléments d’honoraires lors de consultations postopératoires ambulatoires, dans le but de compenser l’interdiction légale de facturer ces suppléments pendant une hospitalisation en chambre commune ou double. En pratique, si le patient refuse une chambre individuelle lors de son hospitalisation, les honoraires supplémentaires sont reportés sur la consultation de suivi.
Des suppléments d’honoraires détournés
Le Conseil national dénonce ce procédé comme un détournement de la loi. « Cette pratique contourne la restriction légale de la libre fixation des honoraires lorsque le patient opte pour une chambre double ou une chambre commune. Les suppléments d'honoraires qui ne peuvent pas être facturés en raison du choix de la chambre sont facturés a posteriori lors des soins ambulatoires. »
La loi sur les hôpitaux interdit en effet formellement la perception de suppléments d’honoraires pour les séjours en chambre commune ou double. La possibilité de fixer librement ses honoraires ne vaut que dans le cas d’un séjour en chambre individuelle, et même dans ce cas, certaines limites s’imposent. L'Ordre insiste sur le fait que la règle est d’ordre public.
Ces principes touchent à celui du respect de la liberté du patient. « Il est déontologiquement inadmissible d'exercer une pression financière sur le patient afin qu'il opte pour une chambre individuelle », poursuit l'Ordre dans son avis. « Le choix de la chambre doit être entièrement libre. » Le médecin ne peut donc, d’aucune manière, conditionner la qualité des soins ou sa disponibilité au choix d’une chambre particulière. « Indépendamment du choix de la chambre, le patient a toujours droit à la même offre de soins de santé de qualité. Cette offre concerne les prestations fournies à l'hôpital, le délai dans lequel elles sont fournies et les médecins qui travaillent à l'hôpital. » Toute entrave à cette règle peut faire l’objet de poursuites pénales.
Devoir de transparence et modération
Sur le plan déontologique, le Conseil national profite de cet avis pour rappeler une série d’obligations du médecin. « Le médecin doit fixer ses honoraires en bonne foi, en faisant preuve d’honnêteté et de modération. Il a par ailleurs l'obligation légale et déontologique d'informer clairement le patient au préalable du mode de fixation de ses honoraires. »
Ces principes sont d’autant plus importants que les patients ne sont pas toujours en position de contester ou de comprendre les implications financières d’un choix de chambre. Le Conseil avait déjà, dans des avis antérieurs, insisté sur l’obligation de traiter tous les patients « avec la même conscience professionnelle » et sur l’interdiction « de refuser des soins au seul motif que le patient ne choisit pas une chambre individuelle, en particulier si l’admission s'inscrit dans le cadre du traitement ou du suivi d’une affection de longue durée. »
Le Conseil national conclut en rappelant que les instances ordinales ont compétence pour sanctionner les abus : « Les conseils disciplinaires de l'Ordre des médecins ont la compétence de contrôler et de sanctionner disciplinairement les abus dans la libre fixation des honoraires. »
Pouvez-vous vendre des produits de beauté ?
Lors de la même séance, le Conseil national de l'Ordre des médecins a également eu l'occasion de se pencher sur les activités complémentaires des médecins. Plus précisément, l'instance examinait si un médecin pouvait vendre des produits de beauté et de soins qui ne sont pas des médicaments ou des dispositifs médicaux.
Le Conseil national rappelle que, « dans le cadre de la relation de soins, le médecin s’en tient exclusivement à l’exercice de l’art médical tel qu’il est réglé par la loi et par la déontologie médicale. La vente de produits quels qu’ils soient n’y a pas sa place. »
Mais, nuance ensuite l'Ordre, en-dehors de son activité médicale, le médecin reste libre de développer d’autres projets professionnels : « Il maintient entre ses activités médicales et non médicales une stricte séparation pour qu’il n’y ait dans l’esprit de ses patients et des tiers aucune confusion quant à celles qui ne relèvent pas de l’art médical. Le médecin agit de façon à ne pas susciter le doute quant à son indépendance professionnelle et quant au fait que l’indication thérapeutique et les soins qu’il propose sont motivés par la santé du patient et non par la recherche d’un profit personnel. »
L.R.