Le journal du médecin

Quelles sont les connaissances, le ressenti et les attentes des patientes par rapport à l’autopalpation mammaire ?

27 mai 2025 - Le cancer du sein constitue la première cause de cancer chez la femme dans le monde, avec plus de deux millions de nouveaux cas en 2022. En Belgique, malgré l'instauration du mammotest bisannuel pour les femmes de 50 à 69 ans, la couverture de dépistage reste incomplète, notamment en Wallonie et à Bruxelles. Parallèlement, l'autopalpation mammaire (APM) est promue par divers acteurs de santé publique, bien que son efficacité en termes de réduction de la mortalité n'ait pas été démontrée de manière concluante. 

Dre Elsa Fenaux
Dre Elsa Fenaux

Dans ce contexte, cette étude vise à explorer les connaissances, ressentis et attentes des patientes vis-à-vis de l’APM, et à interroger le rôle que pourrait jouer le médecin généraliste dans cette pratique.

Méthodologie

Une étude qualitative a été menée entre février et mars 2024 par entretiens semi-dirigés auprès de 13 patientes âgées de 19 à 91 ans, recrutées dans la région du Hainaut. Les critères d’inclusion étaient le sexe féminin et un âge supérieur à 18 ans. Une grille d’entretien construite à partir de la littérature a permis d'explorer différents aspects de l'APM : connaissance, méthode, ressenti émotionnel, attentes vis-à-vis du médecin et lien avec le dépistage organisé. L'analyse thématique a été conduite jusqu'à saturation des données.

Résultats

La pratique de l’APM est hétérogène : cinq femmes la pratiquent régulièrement, cinq de manière occasionnelle et trois jamais. Les connaissances des techniques sont approximatives, souvent calquées sur des gestes perçus chez les praticiens, sans validation formelle. Les motivations chez les femmes pratiquant l’APM sont variées : prévention, antécédents familiaux, douleurs, conseils médicaux. Celles qui ne le pratiquent pas s’expliquent principalement par un manque de connaissances, une faible sensibilisation, la peur du résultat et une confiance dans les examens médicaux classiques. L’APM suscite autant d'anxiété que de réassurance, et révèle un manque global de formation et d’encadrement. Le rôle du médecin généraliste est perçu comme essentiel.

L’APM suscite autant d'anxiété que de réassurance, et révèle un manque global de formation et d’encadrement.

Discussion

Cette étude examine les méthodes et les perceptions entourant l'autopalpation mammaire, mettant en évidence divers facteurs influençant sa pratique et son impact émotionnel. L'efficacité de l'APM reste controversée. Contrairement aux recommandations récentes qui ne prônent plus l'APM en dépistage de masse, les patientes en attendent un outil de connaissance de soi et de vigilance personnelle. La principale force de ce travail réside dans l'exploration de dimensions émotionnelles et relationnelles peu abordées : peur de la découverte, recherche de réassurance et dépendance au modèle médical. Sa principale limite reste la taille réduite et localisée de l’échantillon.

En médecine générale, l’APM représente une opportunité d'éducation corporelle, bien que sous-utilisée. Loin d’être une alternative au dépistage organisé, elle peut initier un dialogue sur la conscience corporelle, conformément aux objectifs de sensibilisation définis par l'OMS. Les recommandations du CNGOF (2023) rappellent que l’APM ne doit pas être promue comme méthode de dépistage primaire. Elles soulignent également l'absence de consensus sur la place de l’APM pour les femmes de plus de 75 ans, celles à risque élevé, ou celles déjà traitées pour un cancer du sein. Comme le demandent les patientes de cette étude, une approche différenciée est donc nécessaire. Il faut informer la population générale sur la prévention organisée et orienter les groupes à risque vers une prise en charge spécifique, en précisant les limites actuelles de l’APM dans ces contextes.

Conclusion

L’autopalpation mammaire, au-delà de son efficacité discutable en dépistage, conserve une valeur symbolique et éducative importante pour certaines patientes. L’APM doit être reconsidérée non comme un geste de dépistage isolé, mais comme un levier de dialogue entre soignants et patientes dans la construction d’une conscience corporelle éclairée.

Logo Prix du GénéralistePour la 24e année consécutive, Le journal du Médecin organise, en partenariat avec la SSM-J (la section qui, au sein de la SSMG, s'adresse plus particulièrement aux jeunes médecins généralistes), le « Prix du Généraliste », qui vise à faire connaître et à récompenser les travaux de fin d'études de six jeunes médecins francophones sélectionnés par leurs universités (ULB, UCLouvain et ULiège), dans le cadre de leur master de spécialisation en médecine générale (promotion 2023-2024).
Vous découvrirez les différentes candidates (que des jeunes femmes, cette année)  au fil de nos éditions, ainsi que sur notre site : www.lejournaldumedecin.com. Deux prix seront attribués, et décernés lors de la journée annuelle « jeunes médecins » organisée l'automne prochain par la SSM-J : d'une part, un prix décerné par la SSM-J, et de l'autre, le prix des lecteurs et lectrices du journal du Médecin, qui voteront en ligne pour le TFE qui aura le plus retenu leur attention.

Qui êtes-vous, Docteure Elsa Fenaux ?

J’aime cette vision transgénérationnelle du médecin de famille, proche de ses patients, ancré dans leur quotidien. J’ai choisi la médecine générale pour sa richesse, pour la diversité des situations cliniques. Elle permet de suivre les patients à travers toutes les étapes de leur vie - parfois sur plusieurs générations, de créer des liens durables et de confiance, et de devenir un véritable partenaire de santé, voire une référence pour les familles. Pour moi, un bon généraliste doit être avant tout à l’écoute. Il doit faire preuve d’empathie, savoir s'adapter et avoir une bonne capacité d’analyse, en tenant compte des dimensions sociales, psychologiques et médicales du patient. Et il doit rester curieux, car la médecine générale demande de se former constamment.

J’exerce actuellement à l’étranger. Ce choix a été guidé par l’envie de vivre une expérience professionnelle et humaine différente, au sein d'une organisation des soins qui met en avant la coordination, l’interdisciplinarité et la prise en charge globale des patients. J’ai effectué mon assistanat dans le Borinage (Boussu et Quiévrain). Cette expérience m’a permis de travailler aux côtés de plusieurs médecins, d’observer différentes pratiques et d'ainsi mieux définir celle qui me correspond. En entamant mes études, j’imaginais une médecine proche des gens, axée sur l’écoute, le suivi et la continuité des soins. Travailler avec des équipes pluridisciplinaires, en lien avec les patients dans leur environnement, me permet de rester fidèle à cette vision. 

J'aime moins la lourdeur administrative, qui empiète sur le temps médical et relationnel. Plusieurs aspects dela profession  mériteraient d’être améliorés. Tout d’abord, la simplification, justement, des démarches administratives, qui pèsent sur le quotidien. Ensuite, une meilleure communication et un échange plus fluide avec les hôpitaux et les spécialistes seraient bénéfiques pour le suivi des patients. Je souhaite voir la médecine générale évoluer vers une meilleure coordination avec les autres acteurs de soins. L’avenir de la profession passe aussi par une valorisation du rôle du MG, une meilleure reconnaissance institutionnelle, et une attention accrue à la santé mentale des soignants.

J’aimerais continuer à m’investir dans la coordination médicale, tout en développant une activité de planning familial, qui me tient à coeur. Ces deux axes me semblent complémentaires à la pratique de la médecine générale. J’envisage de revenir exercer en Belgique avec des collègues généralistes dans une pratique collaborative. Je suis passionnée de lecture, de rando et de course à pied, des activités qui me permettent de me ressourcer et de prendre du recul. Mais ce que je privilégie par-dessus tout, ce sont les moments partagés avec mes proches : ils sont essentiels à mon équilibre et à mon bien-être.

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Écrit par Dre Elsa Fenaux (ULB) Promotrice : Dre Alyssa Provenzano
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