Le traitement hormonal chez l'adulte (II)
La fertilité est un sujet qui est idéalement toujours à aborder avant de débuter un traitement hormonal. La question se pose de savoir pendant combien de temps le traitement sera poursuivi, et ce qu’il en est de la sécurité à court et à long terme. Les endocrinologues de l'équipe chargée des questions liées au genre à l’UZ Gent y répondent, ajoutant quelques conseils à délivrer aux personnes non binaires.

Les traitements hormonaux réduisent très rapidement la fertilité au point d’atteindre le statut d’infertilité. « Le désir d'enfant est cependant très fréquent », fait remarquer le Pr Guy T'Sjoen [1]. Il convient donc d’en discuter de préférence avant de commencer un traitement hormonal et, le cas échéant, de motiver la personne pour une cryoconservation de sperme ou d'ovules. L'interruption du traitement hormonal peut restaurer la fertilité mais pour la personne transgenre, ce n'est souvent pas un scénario souhaitable.
À plus long terme
Le traitement hormonal féminisant/virilisant doit-il être pris à vie ? « Les hommes transgenres poursuivent effectivement la prise de testostérone, par analogie avec ce qui se passe chez les hommes cisgenres (cis) dont les taux de testostérone diminuent un peu avec l'âge », explique le Pr T'Sjoen. « Chez les femmes transgenres âgées, la situation est différente car les femmes cis sont ménopausées. On pourrait donc envisager d'arrêter l’oestrogénothérapie à un moment donné, ou au moins d’en réduire les doses. Dans la pratique, nous en discutons avec la patiente. On peut maintenir la dose habituelle mais, là encore, le contexte général de médecine interne doit être pris en compte : quel est l'état de santé général de la femme transgenre ? Quels sont son IMC et sa pression artérielle, fume-t-elle, etc. »
Le traitement hormonal des personnes transgenres dure au moins un an avant que des mesures chirurgicales ne soient envisagées, telles qu’une ovariectomie et une hystérectomie, ou une orchidectomie, suivie(s) d'une chirurgie génitale.
« Nous pouvons fortement individualiser les traitements hormonaux
et chirurgicaux en fonction des souhaits de la personne transgenre, mais l’encadrement psychologique est toujours notre point de départ. »
Une modification de la loi est intervenue en 2018, qui n'oblige plus les personnes transgenres à subir une gonadectomie pour changer administrativement de genre. « Depuis, nous constatons que de plus en plus d'individus transgenres choisissent de suivre un traitement hormonal tout au long de leur vie, alors que leurs organes pelviens et sexuels d'origine restent en place », rapporte le Dr Jeroen Vervalcke [2]. « C'est pourquoi nous avons réalisé une étude IRM de l'utérus et des ovaires dans une petite cohorte d'hommes transgenres qui prenaient de la testostérone depuis cinq ans ou plus. Les résultats de cette étude exploratoire étaient rassurants. L'endomètre était impeccable et fin, les ovaires ne présentaient pas de transformations kystiques. Un bémol toutefois : ce groupe de personnes est parfois oublié lorsqu'il s'agit de motiver au dépistage du cancer du col de l'utérus, alors que ce dépistage est indiqué pour toute personne ayant un col de l'utérus et qui est (ou a été) sexuellement active. En Belgique, le dépistage de la population est lié au genre administratif, ce qui signifie que beaucoup d'hommes transgenres ne sont plus invités au dépistage. »
Les données relatives à l'effet à long terme du traitement hormonal chez les personnes transgenres sont favorables. La plupart des transgenres sous traitement hormonal se portent bien à long terme et affichent des résultats de laboratoire normaux. « Nous observons rarement des complications graves, même si elles ne sont pas inexistantes. La principale préoccupation est la santé cardiovasculaire », indique le Pr T'Sjoen. « Les grandes études de cohorte montrent qu'il survient plus d'événements cardiovasculaires chez les personnes transgenres que chez les personnes cisgenres. La question se pose de savoir si cela est dû au traitement hormonal ou à d'autres facteurs, aux choix de mode de vie ou au stress que les transgenres subissent pendant une grande partie de leur vie en raison de leur dysphorie de genre et/ou de leur transition. On parle du stress des minorités comme d'une variable de santé. À ce jour, il n'existe pas d'étude de grande envergure sur les mécanismes sous-jacents à l'origine de ces différences cardiovasculaires entre les personnes transgenres et les personnes cisgenres. Cependant, en tant que centre de référence pour la prise en charge de la confirmation du genre, nous nous engageons avec un certain nombre de partenaires de recherche étrangers pour clarifier ce point. Ainsi, par le biais de la recherche, nous nous investissons en faveur d'un traitement hormonal efficace et sûr pour les utilisateurs à long terme. »
Remarques :
1. Chef du service d'endocrinologie et de l'équipe chargée des questions liées au genre, UZ Gent.
2. Service d'endocrinologie et équipe chargée des questions liées au genre, UZ Gent.
Les personnes non binaires sont les bienvenues
Lorsque l'on parle de personnes transgenres, l'image qui vient classiquement à l'esprit est celle d'une personne dont le sexe biologique ne correspond pas au sexe perçu mais qui se sent homme ou femme. Cela reste une donnée binaire. Il existe toutefois un groupe de personnes transgenres qui ne se sentent ni homme ni femme, et dont la perception du genre se situe quelque part entre les deux genres, éventuellement de manière fluctuante. On les appelle personnes non binaires, et elles représenteraient environ un tiers des personnes transgenres.
De plus en plus de personnes appartenant à ce groupe se présentent à l'équipe chargée des questions de genre à l'UZ Gent : « Il y a une quinzaine d'années, les traitements étaient réservés aux hommes et aux femmes transgenres », rappelle la Dre Defreyne [2]. « À l'époque, les personnes de genre non binaire venaient très rarement à notre consultation, de peur que nous ne les traitions pas. Ce n'est pas le cas : il est désormais clair que l'identité de genre comprend plus de nuances que le simple fait d'être un homme ou une femme, et toutes les identités de genre qui cherchent de l'aide sont les bienvenues chez nous. Lorsqu’elles nous consultent, nous vérifions dans quelle mesure elles souhaitent être virilisées ou féminisées. En fonction des données issues de l'entretien, nous pouvons individualiser fortement les traitements à tous les niveaux de l'équipe, c'est-à-dire aussi bien hormonaux que chirurgicaux. Mais l’encadrement psychologique est toujours notre point de départ. »
« Ce spectre des genres entraîne des variations dans le traitement hormonal », explique le Pr T'Sjoen. « Un exemple, celui des personnes de genre non binaire qui souhaitent une masculinisation de leur apparence. Nous leur prescrivons de la testostérone. Il peut arriver qu'après environ deux ans cette personne indique que le processus de virilisation a atteint son objectif - la barbe a poussé, la voix est devenue plus grave et les contours du corps ont changé -, mais qu'elle ne souhaite pas poursuivre à vie le traitement par testostérone. Le traitement est alors arrêté. Comme les ovaires sont toujours en place, les hormones endogènes supplantent l’hormonothérapie exogène. Le cycle hormonal se rétablit, mais la virilisation souhaitée est en grande partie conservée ». Dans les traitements féminisants, nous remarquons souvent que le choix se porte sur un traitement oestrogénique, sans anti-androgène. Une autre variante est la diminution progressive des anti-androgènes, après un traitement oestrogénique prolongé. Il s'agit d'un traitement sur mesure.
Objectifs d’apprentissage
La lecture de cet article vous aura familiarisé(e) avec :
-La recommandation d'aborder la question de la fertilité avant d'entamer un traitement hormonal chez une personne souhaitant une transition ;
-La durée du traitement hormonal ;
-La durée de ce traitement avant une éventuelle mesure de type chirurgical ;
-Les effets à plus long terme du traitement hormonal ;
-L’accompagnement des personnes de genre non binaire et les adaptations du traitement hormonal que cela implique.