Prévention et prise en charge de la dénutrition chez la personne âgée
La Semaine de sensibilisation à la dénutrition (Malnutrition Awareness Week - MAW) se déroule, cette année, du 17 au 23 novembre. L'événement, organisé en novembre dans près d'une vingtaine de pays, est dédié à la sensibilisation, l'information et la collaboration autour de la prévention et du traitement de la dénutrition liée à l’âge et/ou à la maladie, et ses impacts importants sur le bien-être des personnes et la santé publique.
Cette année, BeONCA souhaite sensibiliser particulièrement tous les intervenants en soins primaires, dits de première ligne, en ciblant principalement la dénutrition du sujet âgé. En effet, le pourcentage de la population âgée de plus de 65 ans est en augmentation en Belgique, comme c’est le cas dans de nombreux pays industrialisés. Par ailleurs, le risque de développer une affection aiguë ou de souffrir d’une maladie chronique et/ou dégénérative est plus élevé au sein de cette tranche d’âge. La dénutrition liée en partie au vieillissement et en partie à la maladie est donc plus fréquente chez les personnes âgées. Elle a un impact sur le pronostic du patient, sa tolérance aux traitements et sa qualité de vie. Dépister et prévenir la dénutrition doit être intégré à la prise en charge globale de chaque individu.
Définition de la dénutrition
Le terme malnutrition comprend la dénutrition protéino-calorique, sarcopénie/fragilité, l’excès de poids ou obésité, les carences nutritionnelles spécifiques type carence en fer, le syndrome de renutrition inappropriée. La dénutrition correspond à un déséquilibre entre les apports nutritionnels et les besoins énergétiques, causant une altération des fonctions de l’organisme, une diminution des capacités physiques et mentales, ce qui impacte le pronostic global du sujet et sa qualité de vie.
Épidémiologie de la dénutrition
La dénutrition est fréquente chez les sujets âgés et son incidence augmente avec l’âge. Les critères de dénutrition utilisés à ce jour chez la personne âgée sont variables d’une étude à l’autre. Néanmoins, le Mini Nutritional Assessment (MNA) est l’outil de dépistage spécifique pour les personnes âgées de plus de 65 ans le plus utilisé en Belgique et dans le monde. En utilisant cet outil, on estime que la dénutrition touche 3% des sujets âgés à domicile, 22% des patients hospitalisés et 30% des sujets vivant en maisons de soins. Ces chiffres correspondent à une enquête récente réalisée par Sciensano.
Facteurs étiologiques
Chez le patient jeune, la dénutrition est surtout liée à une maladie, tandis que chez le sujet âgé, elle résulte principalement d’une réduction des apports alimentaires liée à divers facteurs :
- Des facteurs physiologiques liés à l’âge, comme une perte d’appétit, une diminution de sécrétions salivaires, des modifications du microbiote.
 - Des facteurs physiques comme une mauvaise hygiène dentaire, de la dysphagie fréquente en cas de troubles neuro-végétatifs, une perte de force musculaire limitant la préhension des objets comme un verre.
 - Des troubles cognitifs causant une diminution de la prise alimentaire ou une augmentation des besoins énergétiques liés à une déambulation permanente.
 - La présence d’une maladie chronique, une hospitalisation récente, une période d’immobilisation, la douleur, une période péri-opératoire, des restrictions alimentaires non justifiées ou encore une polymédication.
 - Des perturbations psychologiques liées à la perte d’un conjoint ou d’un proche, au déracinement lié à une institutionnalisation s’accompagnent très souvent d’une perte d’appétit. Les personnes âgées qui perdent leur autonomie deviennent dépendantes de l’offre alimentaire qu’on leur propose.
 - N’oublions pas que la qualité de l’alimentation va dépendre des possibilités financières de nombreuses personnes, en particulier âgées. Une alimentation de moindre qualité nutritionnelle est en général moins chère.
 - À l’hôpital, comme en maison de repos et de soins, un budget alimentaire restreint, associé au manque de formation nutritionnelle du personnel soignant et de cuisine, peut compromettre la qualité de l’offre alimentaire. De plus, le manque de soignants ou d’aide-soignants impacte l’assistance nutritionnelle
 - Des facteurs diététiques comme une alimentation déséquilibrée pauvre en protéines, l’évitement de certains aliments, une consommation abusive d’alcool, certains régimes alimentaires choisis ou imposés de manière inadéquate participent à un apport nutritionnel inadéquat
 
Méthodes diagnostiques de la dénutrition liée à la maladie et/ou l’âge
Depuis cinq ans, les sociétés scientifiques internationales dans le domaine de la nutrition clinique ont développé et validé les critères de dénutrition dits GLIM qui incluent trois facteurs phénotypiques (perte de poids, BMI bas et diminution de la masse musculaire) et deux facteurs étiologiques (diminution des ingesta, présence d’un état inflammatoire). La présence d’au moins un facteur phénotypique et d’un facteur étiologique permet le diagnostic de dénutrition.
Comme évoqué précédemment, le score de dépistage le plus utilisé chez la personne âgée est le MNA. Il existe une évaluation courte, qui prend quelques minutes (MNA Short Form). Des évaluations régulières et répétées doivent être mises en place, compte tenu de situations cliniques rapidement évolutives chez la personne âgée.
Il faut distinguer la dénutrition de la sarcopénie, qui se définit comme une perte de la masse musculaire mais aussi de la force musculaire.
Il importe de distinguer la dénutrition de la sarcopénie, qui se définit comme une perte de la masse musculaire mais aussi de la force musculaire. La sarcopénie est le plus souvent associée au processus de vieillissement. L’obésité sarcopénique est un sujet de plus en plus abordé. Elle se caractérise par un morphotype d’excès pondéral (masse grasse), mais avec une perte de masse et de fonction musculaires. L’obésité sarcopénique est fréquente chez les personnes âgées.
Définition des objectifs d’un traitement nutritionnel
Les objectifs nutritionnels doivent considérer les apports nutritionnels (ex : en protéines) en plus de l’évaluation de l’état nutritionnel (poids, BMI,...). Chez la personne âgée, il est recommandé d’administrer 30-35 kcal par kg de poids, et 1-1,2 g de protéines par kg de poids. Il faut cependant considérer des apports à titre individuel en tenant compte de l’âge du patient, de son état nutritionnel, de la présence d’une maladie aigue ou chronique, de l’activité physique, de la tolérance digestive, des habitudes alimentaires culturelles. Soulignons également l’importance d’une hydratation correcte, compte tenu de la perte de sensation de soif de la personne âgée.
La prévention de la dénutrition chez la personne âgée est importante car elle peut survenir plus rapidement que chez le sujet jeune, mais elle est également plus difficile à corriger. De plus, il importe que l’intervention nutritionnelle soit intégrée dans la prise en charge thérapeutique globale, en concertation avec tous les intervenants. L’information sur les objectifs donnés au patient est indispensable. Il importe aussi d’assurer des soins de nursing adéquats, ainsi que le maintien d’une activité physique adaptée.
Interventions nutritionnelles
La première approche reste bien sûr l’alimentation orale. Le rôle du diététicien est majeur. En plus du choix des aliments et de leur texture, des méthodes d’enrichissement, notamment en protéines et en énergie, sont possibles. Ensuite, on peut proposer la prise de compléments nutritionnels oraux (CNO) en supplément de l’alimentation orale. Différentes saveurs et textures sont disponibles. La prise de ces CNO doit être monitorée et réévaluée régulièrement. Un CNO apporte entre 15 et 20 g de protéines et 200 à 400 kcal. Les CNO ne doivent pas être prescrits systématiquement en première intention, mais seulement en cas d’échec d’une alimentation adaptée ou enrichie.
Les indications de nutrition entérale et parentérale sont identiques à celles de patients jeunes. La décision de commencer une alimentation dite 'artificielle' doit tenir compte de la stratégie globale et du pronostic. Dans de nombreux cas, il faut tenir compte de considérations éthiques qui incluent le choix et la volonté du patient.
Conclusions
La dénutrition liée à la maladie et/ou l’âge est fréquente, souvent insidieuse, multifactorielle et sous-estimée. Un dépistage systématique, notamment par le MNA SF, est hautement recommandé, au moins une fois par an à domicile, à chaque admission à l’hôpital et/ou en maison de soins (à répéter une fois par mois en maison de soins). En cas de risque de dénutrition, le dépistage doit être complété par une évaluation de la dénutrition par le score GLIM.
Le statut nutritionnel a un impact sur la tolérance aux traitements, le risque de complications, la mortalité, la qualité de vie mais aussi sur les coûts de soins de santé. Tous les soignants, mais aussi les patients et leurs proches, doivent être formés et sensibilisés à cet aspect de la santé. L’intervention nutritionnelle doit être personnalisée et adaptée à chaque patient. Le rôle des soignants de première ligne qui connaissent les aspects médicaux mais aussi psychologiques et socio-économiques du patient est essentiel.
En collaboration avec 'BeONCA' (Optimal Nutritional Care for all), plateforme qui regroupe, avec le soutien du SPF Santé publique, près de 40 partenaires dans le domaine de la prise en charge nutritionnelle des patients. Infos: https://european-nutrition.org et sur https://www.espen.org pour le programme de la MAW partout en Europe.