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EHDS : « Un changement de mentalité plus qu’une question de technologie »

Avec l’entrée en vigueur du règlement sur l’Espace européen des données de santé (EHDS), patients, médecins et hôpitaux devront apprendre à partager et gérer l’information autrement.  Le Dr Tatiana Revenco, experte en données de santé et conformité, enseignante à l’Institut I3h, ULB, souligne l’ampleur d’une révolution qui suscite déjà des résistances dans un secteur médical sous pression.

Tatiana Revenco

Le journal du Médecin :  Concrètement, qu'est-ce que l'entrée en vigueur de l'EHDS va changer à la fois pour les patients européens et pour les médecins européens en matière d'accès, de partage et de contrôle de leurs données ?

Tatiana Revenco : Le but du règlement EHDS est d'abord de rendre aux individus, donc aux patients, l'accès et le contrôle sur leurs données de santé. Cela signifie que ce sont eux qui décident avec qui ils les partagent, même dans le cadre de l'utilisation primaire, c'est-à-dire les soins directs chez un médecin.

Ensuite, l’objectif de cette centralisation des données de santé est de garantir aux médecins un accès rapide et complet aux informations médicales, afin d’assurer une prise en charge plus efficace et de délivrer les meilleurs soins dans les plus brefs délais. Elle vise également à faciliter l’échange sécurisé des données entre les États membres de l’Union européenne.

Des responsabilités incombent aux hôpitaux. Les patients doivent être informés qu’ils disposent de droits, qui sont déjà mentionnés dans le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), qui s’applique à l’ensemble des données personnelles, y compris celles de santé. Le règlement EHDS applique ces mêmes droits aux données de santé, en tenant compte des spécificités du secteur médical. Parmi ces droits figurent le droit d'accès et les droits à la portabilité des données. Un patient peut demander à son médecin de transmettre tout ou une partie de ses données, à un autre prestataire de santé de leur choix et le médecin doit réagir de manière instantanée. Il revient à l’hôpital de mettre en place les moyens nécessaires pour permettre aux médecins de répondre à ce type de demandes.

Espace européen unique

Ce règlement englobe non seulement les droits et obligations des parties concernées, mais aussi la gouvernance des données. Cette gouvernance inclut l’ensemble des politiques et procédures internes qui encadrent la gestion des données : comment elles sont collectées, stockées, utilisées, qui y a accès, à quel moment et sous quelles conditions.

Le troisième aspect est technique : la gouvernance des données repose aussi sur des solutions technologiques. À retenir : d’ici au 26 mars 2027, la Commission définira par actes d’exécution les spécifications techniques pour les principales catégories de données de santé, en établissant un format européen d’échange des dossiers médicaux électroniques.

« L’EHDS est un tel changement dans les habitudes que cela peut susciter des résistances, en particulier dans un contexte où le personnel soignant est déjà débordé. »

Les hôpitaux sont-ils prêts à cette « révolution », ainsi que les professionnels de santé, par exemple en Belgique ? Ils ne sont peut-être même pas toujours au courant, je pense notamment au médecin généraliste…

Vous avez raison. On parle beaucoup de l'EHDS, mais la portée concrète pour leur activité reste parfois difficile à appréhender. Il y a un manque une communication et une formation ciblées. Cette réglementation a été mise en place pour suivre le rythme des avancées technologiques et de la transition numérique.

Cette transition implique un changement complet dans la manière de fonctionner, au-delà des infrastructures techniques. Il s'agit de la manière dont on traite les données, dont on y accède, et qui y a accès, via des procédures hospitalières internes, claires et directement opérationnelles. C'est un tel changement dans les habitudes que cela peut créer une forme de résistance, car le personnel soignant et les médecins généralistes sont déjà débordés et de nouvelles technologies change complètement leur façon de travailler.

Il faut souligner que ces réglementations - le RGPD, l'EHDS, et aussi l'AI Act (la première réglementation mondiale sur l'intelligence artificielle) - contiennent toutes des obligations stipulant que l’ensemble du personnel (médecins, soignants, CEO, administratifs) qui manipule les données doit être formé.

Est-ce réaliste de viser une interopérabilité des systèmes de santé avec 27 États membres, où les notions et les manières de travailler sont différentes ? Pensez-vous qu'on y arrivera ?

C'est une excellente question, souvent soulevée lors des conférences et partagée par de nombreux participants. Honnêtement, je ne peux pas y répondre. Tant de choses peuvent arriver et perturber le processus qu'il est difficile de de garantir le respect des délais fixés. Je pense que cela prendra beaucoup plus de temps, car on ne parle pas seulement d'implémenter une nouvelle technologie ou un logiciel, mais de changer toute une mentalité, un "mindset". C'est ça qui est difficile : il y a l'humain derrière la technologie, avec ses habitudes, ses spécificités culturelles, ses craintes, ses résistances au changement.

Opt-out

L'EHDS prévoit un accès secondaire aux données pour la recherche et les politiques publiques. Quels sont les garde-fous pour garantir que ces données soient utilisées à bon escient et que la vie privée soit respectée ?

D'abord, le RGPD est déjà en place et donne des instructions sur les mesures de protection. Le partage de données directement identifiables sera le dernier recours et devra être rigoureusement justifié. Normalement, les données devront être échangées sous forme pseudonymisée au minimum, ou si possible, anonymisée. Si les données sont anonymisées, le RGPD ne s'applique même pas. Toutefois, l’anonymisation doit être abordée avec une grande prudence : avec les technologies actuelles, il est rarement possible de garantir qu’il s’agit de données de santé totalement anonymes, compte tenu de leur sensibilité.

Le deuxième point d'attention est la cybersécurité, c'est-à-dire la sécurité des canaux d'échange et l’espace de stockage des données. Le troisième point est la transparence : informer les personnes que leurs données seront partagées et les finalités de cette réutilisation.

À noter, un mécanisme de partage des données basé sur le principe de l’ "opt-out" a été mis en place. Cela signifie que les données seront automatiquement réutilisées, sous la supervision d’organismes dédiés  (Health Data Access Bodies) qui géreront ce processus. Si un individu ne souhaite pas que ses données soient partagées pour cette réutilisation, il doit activement s'y opposer.

Quel est le défi le plus important à ce stade ?

Il est très important que toutes les équipes de l’hôpital soient formé et comprenne le changement qui nous attend. Cela ne se limite pas seulement de maîtriser des logiciels digitaux ou d’effectuer quelques clics supplémentaires, mais c'est toute une nouvelle manière de travailler ensemble, avec des attentes alignées et une responsabilité partagée.

 Tatiana Revenco est chercheuse senior à l’Institute for Interdisciplinary Innovation in healthcare (I3h) à l'ULB : https://i3health.eu/i3h-education/ Elle est fondatrice de Medical Data Hub : https://medicaldatahub.eu/

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Geschreven door Nicolas de Pape30 september 2025

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